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Les Conjurés De Pierre

Les Conjurés De Pierre

Titel: Les Conjurés De Pierre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philipp Vandenberg
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frères vinrent déposer ses repas devant la porte de la bibliothèque dans laquelle il s’enfermait à clef. Dominique craignait qu’on mette de l’ordre dans son désordre. Car si irrationnels que puissent vous sembler ses classements, ils n’en correspondent pas moins à une logique qui lui était tout à fait personnelle. En un clin d’œil, frère Dominique trouvait le livre recherché. Mais il refusait hélas catégoriquement de dévoiler sa méthode. C’est à moi que revient désormais la difficile tache de réintroduire de l’ordre dans ce désordre.
    Afra retenait sa respiration pour ne pas inspirer profondément dans ses poumons cet air confiné qui lui prenait à la gorge.
    — Se pourrait-il que ce soit cet air qui ait rendu fou frère Dominique ? demanda Afra en jetant un regard inquiet vers Luscinius. Tu devrais faire attention.
    Luscinius haussa les épaules.
    — Je n’ai jamais entendu dire qu’un air vicié puisse rendre quelqu’un fou. Si c’était le cas, tous les Strasbourgeois habitant sur les rives de l’Ill seraient déjà à l’asile. Il n’y a pas un endroit sur terre où l’air soit plus irrespirable. 
    Afra examina en passant dans une allée les superbes reliures de livres anciens sur lesquels Luscinius avait mis des étiquettes, écrites assez maladroitement avec sa main gauche. Il avait commencé par les A et suivait l’ordre alphabétique avec, entre autres, un ouvrage d’Albert le Grand.
    — Je n’en suis pas encore à la lettre C, dit Luscinius tristement, la tache n’est pas aisée car dans la plupart des cas, les ouvrages sont anonymes. Je dois alors les classer par titre. Et ça se complique lorsque le livre n’a pas de titre. Beaucoup de théologiens ne se souciaient pas de donner un titre à leur œuvre. Ils nous ont laissé des sommes savantes dont personne ne connaît ni le titre ni l’auteur. Jetez un coup d’œil si cela vous intéresse. 
    Luscinius disparut. Afra alla droit vers les étagères où les livres lui semblaient déjà triés par ordre alphabétique et profita de l’absence de Luscinius pour saisir, sur la plus haute, un volume relié en peau de veau assez foncée, rangé à la lettre C.
    Sur la couverture figurait le titre écrit en latin Compendium theologicae veritatis .
    Elle souleva subrepticement sa robe et, d’un geste précis comme si elle l’avait déjà effectué fréquemment, déchira l’ourlet pour en sortir le parchemin. Puis elle le glissa habilement entre deux pages de l’ouvrage qu’elle remit ensuite à sa place.
    — Compendium theologicae veritatis , murmura-t-elle plusieurs fois tout bas pour bien mémoriser le titre, Compendium theologicae veritatis .
    — Vous avez dit quelque chose ? s’enquit Luscinius de l’allée attenante où il essayait de ramener à la verticale une pile de livres qui s’affaissait dangereusement – l’horizontale n’étant pas propice à leur bonne conservation.
    — Non, enfin oui, répliqua Afra. Je regardais avec plaisir cette étagère bien ordonnée. C’est à toi qu’en revient le mérite, frère Jakob. Dans un siècle, ils seront encore là dans l’ordre où tu les auras rangés, ajouta-t-elle en regardant fixement le livre où elle avait dissimulé le parchemin.
    Luscinius sortit de l’obscurité en traînant les pieds. En le voyant, Afra ne put s’empêcher d’éclater de rire alors qu’une seconde auparavant, ses mains tremblaient encore d’inquiétude.
    Le bibliothécaire portait sur sa tête une coiffe originale : un bandeau de cuir muni de deux bougies, une sur chaque tempe, qui, dès qu’il faisait un pas, projetaient une lueur vacillante.
    — Pardonne-moi ! dit Afra encore hilare, je n’avais pas l’intention de me moquer de toi, mais ton système d’éclairage est vraiment très amusant. 
    — C’est une invention de frère Dominique, expliqua le bibliothécaire en levant les yeux vers le haut sans bouger le visage. En effet, cela peut paraître drôle mais c’est très pratique pour un manchot comme moi si je veux voir clair en travaillant. Où que je tourne mes yeux, la lumière suit.
    Et comme pour illustrer ses propos, il tourna la tête une fois à gauche et une fois à droite.
    — Quand je regarde cette étagère…, reprit Afra.
    — Oui, dit Luscinius modestement, c’est par là que j’ai commencé. Mais je doute qu’on retrouve dans un siècle les livres encore classés ainsi. Il fit une grimace et repartit vaquer à

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