Les Conjurés De Pierre
plate-forme sans comprendre, au milieu du brouhaha, ce qu’on attendait d’eux. l ’homme à la capuche s’échappa impunément dans une rue adjacente.
Pendant ce temps, Afra cherchait désespérément Ulrich. Il n’était pas dans le bureau de chantier qu’elle trouva sens dessus dessous alors qu’il y régnait, en temps normal, un ordre scrupuleux. Les parchemins et les plans jonchaient le sol.
Les tiroirs et les coffres étaient renversés. À croire qu’une bande de vandales était passée par-là.
Afra ramassa et remit à sa place les objets les uns après les autres tout en repensant à ce qui s’était passé durant la nuit. Elle n’y comprenait rien. Tous ses événements qui se succédaient sans lien apparent entre eux devaient néanmoins en avoir un, mais lequel ?
Elle ne comprenait pas vraiment pourquoi ces individus avaient saccagé la cathédrale. Mais tout portait à croire qu’ils cherchaient quelque chose de dissimulé à des endroits bien précis, ces fameux endroits dont Ulrich lui avait parlé voilà quelques jours.
Et ces individus connaissaient ces emplacements, dont la corporation des architectes préservait soi-disant farouchement le secret en se le transmettant exclusivement de génération en génération.
Afra soupçonna spontanément Werinher Bott, qui comptait encore quelques partisans. Mais dans quel but auraient-ils agi ? Bien que maître Werinher vouât une haine sans borne à Ulrich, il semblait impensable qu’il ait voulu détruire la cathédrale.
Pourquoi les hommes encapuchonnés avaient-ils saccagé le bureau de chantier ? Il lui paraissait par ailleurs invraisemblable que Werinher Bott ait eu un lien quelconque avec les hommes qui recherchaient le mystérieux parchemin.
L’évêque Wilhelm von Diest jouait naturellement un rôle ambigu. Il était au courant de tout. Le mot « secret » était manifestement absent de son vocabulaire. Les investigations ridicules des dominicains, ces bouchers sanguinaires de l’Inquisition, paraissaient bien inoffensives comparées aux enquêtes sérieuses des fins limiers de l’évêque.
Le roi s igismond pouvait s’estimer heureux d’avoir à sa disposition un service d’espionnage aussi performant.
Pendant ce temps, de plus en plus de bourgeois pénétraient dans la cathédrale et se rassemblaient dans le transept épargné par les dégâts.
Des hommes âgés et barbus tombaient à genoux, les bras levés au ciel, croyant la fin du monde et de l’homme arrivée, comme les prédicateurs l’annonçaient depuis trois siècles. Des femmes terrorisées par l’imminence du j ugement dernier s’arrachaient les cheveux et se frappaient la poitrine.
Les jeunes gens, furieux et dépités de n’avoir pas mis la main sur l’homme à la capuche, se précipitaient d’un pas déterminé à travers la foule en prière, armés de planches et de gourdins qu’ils faisaient tournoyer au-dessus des têtes.
L’un d’eux enjamba la grille barrant l’accès à la chaire. Une fois en haut, on l’entendit crier :
— Il est ici ! Il est ici !
Et son cri strident résonna dans le chœur.
Tous les yeux se braquèrent sur la chaire d’où l’ é vangile était habituellement proclamé mais dans laquelle, à cet instant, deux hommes se livraient un combat acharné. Le jeune homme frappait de son gourdin l’homme encapuchonné qui s’était réfugié là-haut.
L’inconnu réussit à esquiver les premiers coups, puis il y eut un corps à corps confus jusqu’au moment où l’on vit le jeune homme empoigner l’inconnu et le précipiter dans le vide.
Son corps tomba comme une masse sur les dalles. Il tenta de se relever une fois, puis encore une autre fois avant de s’écrouler définitivement.
Entre-temps, les autres poursuivants étaient arrivés à la rescousse et les bourgeois furieux incitaient les jeunes gens à l’achever :
— Tuez-le !
Trois, quatre, cinq d’entre eux s’acharnèrent sur l’homme jusqu’à ce que, baignant dans son sang, il cesse de vouloir se défendre.
— Que Dieu ait pitié de l’âme de ce pauvre pécheur ! lança une jeune femme à haute voix avant de se signer à plusieurs reprises.
Lorsque les tortionnaires virent l’horrible mare de sang se répandant autour de l’homme en noir, maintenant complètement inerte, ils cessèrent de le frapper.
Un attroupement d’une centaine de personnes avait assisté à cette abomination.
Toutes voulaient voir le visage de
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