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Les Conjurés De Pierre

Les Conjurés De Pierre

Titel: Les Conjurés De Pierre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philipp Vandenberg
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nous semble une fraîche rosée !
    Le discours du dominicain se déversait impitoyablement sur les auditeurs comme une pluie d’abats. On entendait gémir et sangloter. L’épouse d’un settmeister, une grosse femme au front ruisselant de sueur, s’évanouit ; le prédicateur en profita pour renforcer le ton de son discours.
    — Ô vous misérables pécheurs, oubliez-vous que la mort ravit en un instant ce que vous aviez chéri dans votre triste existence ? Les grandioses et magnifiques édifices que vous aviez édifiés à l’instar des rois païens de l’ é gypte pour flatter votre orgueil au lieu de célébrer la gloire du Tout-Puissant ! Ces baigneuses au visage vérolé avec lesquelles vous dépensiez plus d’argent pour un instant de vil plaisir que vous n’en donniez aux miséreux qui peuplaient les rues de votre cité !
    Pour vaincre les plaisirs de la chair, il n’y a pas de meilleur moyen que d’imaginer l’être aimé juste après sa mort : ses yeux cristallins qui conquirent plus d’un cœur, devenus chassieux, ses joues rosies par l’ardeur de vos baisers, désormais affaissées et déjà dévorées par les vers. Les doigts de cette main que vous pressiez si souvent sont maintenant décharnés. Les crapauds, les araignées et les cafards grouillent sur ses seins rebondis qui vous faisaient trembler d’émotion. Et l’odeur infâme qu’exhale le corps de cette bien-aimée qui vous donnait tant de plaisir et qui va bientôt pourrir sous terre. Nihil sic ad edomandum desiderium appetituum carnavalium valet. Imaginez la scène et vous parviendrez sans peine à tempérer vos ardeurs.
    Des exclamations parcoururent la foule repentante :
    —  ô, misérable pécheur que je suis ! s’exclama un élégant marchand en se tordant les mains au-dessus de la tête.
    — Dieu, pardonnez-moi mon désir de vengeance ! s’écria un autre.
    — Seigneur, rends-moi chaste et pure ! murmura d’une toute petite voix une jeune femme au visage blême.
    Le prédicateur reprit son discours :
    —  ô vous misérables pécheurs ! Plus d’une fois, le Dieu juste, courroucé par les ignominies de nos mœurs dépravées, a déchaîné ses foudres sur les pécheurs qui se refusaient à faire pénitence in cinere et cilicio  – avec le sac et la cendre. Comme vous ne sembliez pas disposés à renoncer à l’orgueil qui vous incite, en vous réclamant de la foi chrétienne, à construire la plus grande et la plus somptueuse de toutes les cathédrales, le Seigneur Dieu a envoyé son bon ange pour faire cesser cette entreprise…
    Il avait à peine achevé sa phrase qu’à la hauteur du pilier à l’ange, dans la partie septentrionale du transept, un bruit indéfinissable se fit entendre, un bruit inquiétant, comme si les fines colonnes accolées d’un pilier se désolidarisaient.
    Le prédicateur se figea de stupeur. Tous les yeux des auditeurs se tournèrent comme un seul homme et se fixèrent sur l’ange avec sa trompette qui annonce l’heure du Jugement dernier.
    Comme poussé par une main invisible, l’ange s’inclina, s’immobilisa un instant, semblant vouloir résister à la pression, puis le socle, qui l’avait soutenu pendant près de deux siècles, céda lui-même entraînant sa chute.
    Et l’ange tomba la tête la première sur le sol où il se brisa en plusieurs morceaux. D’un côté, la main et la trompette et, de l’autre, son auréole et une aile.
    On eût dit les membres disloqués des damnés le jour du Jugement dernier.
    Lorsque les gens prirent réellement conscience de ce qui venait de se dérouler sous leurs yeux, ils s’enfuirent en poussant de hauts cris.
    — Le diable est dans la cathédrale ! Gare à vous ! Satan est là !
    Le gaillard qui avait précipité l’homme de la chaire saisit les pieds du cadavre qu’il tira jusqu’à l’extérieur sur le parvis. Le corps laissait sur son passage un horrible filet de sang.
    Werinher Bott attendait un peu à l’écart dans son fauteuil roulant.
    — Voilà donc toute l’œuvre de maître Ulrich ! lança-t-il au doyen du chapitre. Où est donc passé cet individu ?
    Hügelmann von Finstingen approcha de l’infirme :
    — J’ai comme l’impression que maître Ulrich vous insupporte ?
    — Vous n’avez pas tout à fait tort, noble messire. Ce n’est qu’un vantard qui se targue de tout savoir sur l’architecture.
    — Werinher suivait avec des yeux stupéfaits le gaillard traînant le

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