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Les Conjurés De Pierre

Les Conjurés De Pierre

Titel: Les Conjurés De Pierre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philipp Vandenberg
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potion…
    Afra lui coupa la parole :
    — N’importe quoi ! Tu cherches des prétextes pour t’excuser d’avoir couché avec cette Sicilienne. Pourquoi n’as-tu pas simplement le courage de l’avouer ?
    — Parce que je n’ai rien fait de mal !
    — Ulrich haussa le ton en plaquant ses mains contre ses tempes.
    — Vraiment ? Peux-tu alors m’expliquer d’où vient cette chaussure ? Il n’y a que les évêques ou les ducs pour porter des chaussures confectionnées dans une peau aussi fine !
    — Je te le répète, je n’en sais rien. On doit m’avoir drogué. Si au moins tu pouvais me croire !
    — J’ai envie de pleurer !
    Afra se tenait tout près d’Ulrich. Une idée lui traversa subitement l’esprit et, sans prévenir, elle essaya de retrousser la manche de la veste d’Ulrich.
    Il la regarda interloqué en retirant vivement son bras.
    — Qu’est-ce qui te prend ? lui demanda-t-il en colère.
    Afra ne répondit pas. Furieuse, elle se détourna et se dirigea en tapant du pied vers la porte.
    En entendant la lourde porte claquer, l’architecte sursauta comme s’il venait de recevoir un coup de fouet. Puis il enfouit son visage dans ses mains.
    En regardant la nuit tomber, Afra se demandait comment échapper aux idées noires qui hantaient son esprit. Malgré l’obscurité, les gens continuaient de rejoindre l’étrange procession qui serpentait autour de la cathédrale.
    Ils étaient sortis de chez eux dès qu’ils avaient appris que le diable avait saccagé la cathédrale. Armés de flambeaux et de crucifix pour conjurer Satan, ils accouraient des quatre points cardinaux sur la grande place. Malgré leur appréhension, ils voulaient voir l’innommable. à défaut de l’apercevoir, ils virent des chanoines, des moines, des curés, des exorcistes et des ivrognes venus assister au spectacle.
    Enhardis par le nombre des bourgeois déjà là, ils se joignaient l’un après l’autre au troupeau.
    Les prières recueillies des uns étaient couvertes par les litanies en latin que psalmodiaient sur un ton monotone les membres du chapitre, qui, à leur tour, couvraient la voix grave de l’exorciste brandissant dans une main un crucifix et dans l’autre un goupillon. Il aspergeait d’eau bénite l’église profanée tout en ponctuant chacun de ses gestes par les formules consacrées :
    — Recule Satan ! é loigne-toi de la maison du Seigneur ! r egagne le royaume des ténèbres !
    ç à et là, on entendait aboyer les chiens qui suivaient la procession.
    Lorsque la nuit fut complètement tombée, tout Strasbourg était debout. Des bandes de mendiants vivant à l’extérieur des remparts vinrent aussi se joindre à la procession sans même connaître l’objet de la manifestation. C’est ainsi que les dignes membres du chapitre en tête du cortège se retrouvèrent subitement derrière les infirmes et les gueux en haillons.
    Le serpent se mordait la queue.
    Les litanies monotones, les prières résonnant sur les façades des maisons et les fumées des flambeaux projetant des ombres inquiétantes plongeaient la place dans une atmosphère fantasmagorique.
    Afra, qui n’avait jamais cru même enfant à l’existence du diable, sentait ses convictions s’ébranler. Cachée dans une venelle servant de coupe-feu entre deux maisons, elle observait, effarée, le parvis en face d’elle. Elle retenait sa respiration pour éviter de sentir les odeurs nauséabondes d’excréments déversés par les fenêtres. Maître Werinher se tenait tout seul à quelques mètres d’elle près du porche, observant d’un œil attentif la procession.
    Afra avait peur. Cette peur qu’elle croyait avoir oubliée s’était à nouveau emparée d’elle. à l’époque où elle était tombée amoureuse d’Ulrich, elle avait connu un court moment de bonheur et de quiétude succédant à la vie mouvementée qu’elle avait vécue jusque-là. Mais maintenant le doute la rongeait : ne s’était-elle pas laissée bêtement séduire par les boniments d’un homme ?
    Afra avait le cœur gros. Elle quitta sa cachette pour rentrer chez elle, dans la Bruderhofgasse. Elle ne croisa personne en chemin.
    Toutes les rues paraissaient désertées. Une fois dans sa maison, elle s’enferma à double tour avec la ferme résolution de n’ouvrir à personne, fût-ce même à Ulrich s’il rentrait.
    Afra passa la nuit tout habillée, sommeillant vaguement en épiant le moindre bruit. Tout s’embrouillait

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