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Les Conjurés De Pierre

Les Conjurés De Pierre

Titel: Les Conjurés De Pierre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philipp Vandenberg
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personnel du plénipotentiaire, du confesseur de donna Lucrezia et de son mage et chiromancien.
    L’activité du médecin, il dottore Madathanus, se limitait essentiellement à administrer des clystères au plénipotentiaire angoissé par les forts ballonnements dont il souffrait régulièrement et qui lui donnaient constamment l’impression que son ventre allait exploser. Les maladies de donna Lucrezia, de nature plutôt psychologique, exigeaient, en dépit ou précisément à cause de l’absence de symptômes, des soins vigilants de la part de son entourage.
    Le padre, comme tout le monde l’appelait, bien qu’il ne se réclamât jamais d’une obédience particulière, recevait la confession de donna Lucrezia un jour sur deux dans le gaillard d’arrière.
    Messire Paolo se demandait – et il n’était pas le seul à bord – quel péché la pieuse femme pouvait bien avoir commis en si peu de temps.
    S’ajoutaient à cette thérapie les conseils prodigués par messire Liutprand, qui se targuait d’avoir étudié les sciences de la prophétie et de la chiromancie. Si le plénipotentiaire n’était pas totalement imperméable à ces pratiques, il demeurait néanmoins sceptique.
    Contrairement à la discrétion et à la sobriété dont tous faisaient preuve dans leurs activités, messire Liutprand se distinguait par ses talents d’acteur et son art consommé de la mise en scène. L’homme portait constamment une simarre noire qui lui tombait à la hauteur du genou, couvrant ses jambes maigrelettes moulées dans des hauts-de-chausses et un chapeau noirs qu’il n’ôtait que pour descendre à l’entrepont. Il fallait le voir alors pour comprendre son goût immodéré pour les chapeaux ! Messire Liutprand n’avait plus un cheveu sur le crâne, qu’il poudrait abondamment afin de dissimuler une gale assez répugnante.
    Le plénipotentiaire vint inviter Afra à les rejoindre pour le déjeuner réunissant chaque jour, peu avant le lever du soleil, le capitaine, le médecin, le padre, le mage, son épouse et lui-même. Depuis qu’Afra avait été le témoin de la dispute entre le plénipotentiaire et son épouse, et qu’elle avait entendu les calomnies de donna Lucrezia, elle était anxieuse, d’autant qu’elle n’ignorait pas qu’il n’y a pas de pire ennemi pour une femme qu’une autre femme.
    Pour échapper à l’odeur infâme régnant à l’intérieur du navire, Afra avait passé la journée entière sur le pont où les embruns iodés et la lumière scintillante de l’Adriatique l’avaient requinquée.
    Elle avait pris le temps de réfléchir tranquillement, ce qu’elle n’avait pas fait depuis très longtemps, et en était arrivé à la conclusion qu’elle était sur la bonne voie. Si elle avait auparavant douté du bien-fondé de son périple, douté de sa persévérance, elle était convaincue aujourd’hui qu’elle retrouverait le parchemin et en éluciderait le mystère. Elle y arriverait. Dût-elle ne compter que sur elle-même.
    Le déjeuner avait lieu dans le gaillard d’arrière. La cabine étroite, située perpendiculairement au sens de la marche du navire au-dessus du gouvernail, offrait tout juste la place de dresser une longue table avec quatre chaises de chaque côté.
    Afra connaissait maintenant tous les convives qui avaient pris place, le plénipotentiaire en face de son épouse, le médecin en face du padre, le capitaine en face du mage. Assise à l’extrémité droite de la table, Afra s’étonnait que tous gardent le silence.
    N’ayant aucune idée du protocole à bord, la jeune femme demanda en toute innocence au capitaine combien de miles l’ Ambrosia avait parcouru depuis son départ de Venise. Or l’usage voulait que l’on prenne ses repas en silence jusqu’au moment où le plénipotentiaire lancerait la conversation sur un sujet anodin en adressant une question à l’un ou à l’autre.
    Le capitaine Luca interrogé lança un regard suppliant au plénipotentiaire qui l’autorisa dans sa largesse à répondre.
    — À peu près soixante-dix miles, répondit Luca avant d’ajouter que les vents n’ayant pas été jusqu’à présent très favorables, le voyage prendrait un à deux jours de plus, à moins qu’ils ne tournent.
    Le cuisinier, un petit homme rondouillard sentant la transpiration et portant des vêtements graisseux, apporta un plat de viande grillée à l’odeur particulièrement alléchante. Afra sentit l’eau lui venir à la bouche.

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