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Les Conjurés De Pierre

Les Conjurés De Pierre

Titel: Les Conjurés De Pierre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philipp Vandenberg
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devenait un paradis, un paradis pour les femmes. À l’inverse de l’empire comptant plus de femmes que d’hommes, Constance abritait, pendant le concile, à peu près une femme pour dix hommes.
    «  Tu es pontifex, pontifex maximus  [15]   », scandait-on dans les rues. Tandis que le ciel au-dessus de la ville s’obscurcissait et que les nuages noirs s’amoncelaient, des centaines de diacres au visage laiteux escortaient la procession en agitant leurs encensoirs qui répandaient dans les rues une fumée asphyxiante. On eût dit qu’ils voulaient déloger le diable certainement tapi dans un recoin.
    Personne dans une ville aussi petite ne pouvait échapper à l’événement, pas même Afra dont l’esprit était pourtant fortement préoccupé par de graves questions depuis sa conversation avec Armandus Villanovus. Elle se tenait au quatrième rang des spectateurs dans la Pfeffergasse pour observer le spectacle qu’offraient, en se rendant à l’église, le pontife et les participants venus de tout l’Occident.
    Le chœur des castrats répétait inlassablement de sa voix suraiguë «  Tu es pontifex, pontifex maximus » pour avertir la foule que l’homme sur le palefroi surmonté d’un dais était le pape. Les écuyers escortant le pape portaient des chausses blanches remontant jusqu’à la taille et de courts pourpoints avec de grandes manches bouffantes. Sans jamais se départir de leur gravité, ils agitaient des palmes au-devant du pape comme lorsque le Christ entra dans Jérusalem.
    Le visage maussade du pape apparaissait de temps à autre à travers le rideau de fumée d’encens. Le pape dissimulait ses craintes derrière ce masque de morosité. Il redoutait qu’on attente à sa vie, il avait toujours trouvé les Allemands suspects et savait que ses ennemis avaient envoyé à Constance des délégations. En apercevant un groupe d’élégantes prostituées lui offrant en pâture leurs généreux décolletés, son visage s’illumina d’un sourire reconnaissant.
    Réconforté par la vue du péché, il adressa sa bénédiction apostolique à ces belles que Dieu a créées pour le plaisir de l’homme.
    Afra avait pitié de ce petit pape tremblotant de peur, juché sur son palefroi plusieurs fois aspergé d’eau bénite. Son allure extérieure contrastait vivement avec sa réputation.
    De temps en temps, on entendait des applaudissements isolés. Afra comme d’autres observait la procession en silence. Le hasard voulut que le regard sombre du pape croisât le sien et s’attardât sur elle. S’était-il demandé un instant pourquoi elle ne l’applaudissait pas ? Elle s’imagina lui répondant avec impertinence que cette marque de reconnaissance n’était pas un dû… mais le pape Jean était déjà passé.
    Comme le reste du cortège laissait derrière le pape la distance que réclament les convenances, Afra put jeter un œil de l’autre côté de la rue. Elle crut d’abord se tromper, elle avait trop souvent pensé à lui ces derniers temps depuis que Villanovus l’avait avertie qu’il était à Constance. Et depuis qu’elle savait qu’il n’avait aucun lien avec les apostats, elle était dévorée de remords. Dans les derniers mois, les souvenirs qu’elle avait gardés de leur vie commune étaient devenus aussi flous que la silhouette d’un chêne noyée dans les brumes. Mais si elle voulait être honnête avec elle-même, elle ne pouvait nier la forte attirance qu’elle éprouvait encore pour lui. Afra dévisageait l’homme qui se tenait à quelques pas en face d’elle. C’était bien Ulrich von Ensingen !
    En proie à la plus vive agitation, Afra ne le quittait pas des yeux. Mais que devait-elle faire ? Elle était partagée entre le bonheur de le voir et la vague inquiétude qui l’empêchait d’effectuer le premier pas.
    Le souvenir de leurs amours passionnées lui fit oublier ses craintes. Au moment où elle lui faisait timidement signe de la main, il se produisit un phénomène étrange. L’homme ne répondit pas à son geste.
    Il ne sembla pas la voir. Il devait pourtant avoir remarqué la main qu’elle avait tendue vers lui.
    Afra eut envie de l’appeler. Elle n’en eut pas le temps. Le cortège lui obstruait à nouveau la vue. La procession se poursuivait, cette fois avec des gens vêtus d’habits chamarrés d’un luxe ostentatoire précédés de trompettes et de tambourins. Les écuyers marchaient devant leurs maîtres en brandissant des oriflammes

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