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Les Conjurés De Pierre

Les Conjurés De Pierre

Titel: Les Conjurés De Pierre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philipp Vandenberg
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Cécile.
    Afra enfila à la hâte sa robe de nonne et, ce faisant, posa timidement une question au peintre :
    — Et vous voulez vraiment représenter Cécile telle que vous l’avez dessinée ici ? Avec ses seins et ses hanches qui transparaissent sous sa robe ?
    Alto eut un rire embarrassé.
    — Pourquoi devrais-je dissimuler sa beauté alors que la légende elle-même n’en fait pas mystère ?
    — Il est dit dans le sixième commandement que la femme doit être chaste ! 
    — C’est vrai, mais le corps d’une femme n’est pas impudique en soi. L’absence de pudeur se traduit dans la pensée et dans le comportement. Dans la cathédrale de Bamberg, il y a une statue de Synagogue représentée avec une robe transparente sous laquelle on devine tous les attraits du corps féminin. Dans les grandes cathédrales de France et d’Espagne, la Vierge Marie est souvent représentée la poitrine nue ; seuls les esprits pervers y voient le mal. Je compte sur vous demain ? lui demanda-t-il avec un sourire amusé.
    Afra avait eu l’intention de quitter l’abbaye le jour même, mais, à l’idée de poser comme modèle, elle avait ressenti une sorte d’excitation qui l’en avait retenue.
    j amais un homme ne l’avait traitée avec autant d’égards que ne lui en avait témoignés Alto von Brabant, alors elle accepta :
    — Sous réserve que la mère abbesse ne s’y oppose pas.
    — Elle sera contente lorsque le tableau sera achevé ! Rien que pour cela, elle aurait bien posé pour moi, dit-il en secouant la tête. Quelle horreur !
    Afra éclata de rire puis se dirigea vers l’étroite fenêtre d’où elle aperçut, au milieu de la foule, s’affairant dans la cour, l’abbesse qui faisait les cent pas, les bras croisés sur la poitrine en jetant un œil de temps à autre vers l’étage supérieur.
    — Maître Alto, comptez-vous rester longtemps ici ? demanda Afra prudemment.
    Le peintre fit une grimace.
    — Cela ne dépend pas de moi. Depuis le printemps, je perds mon temps ici au milieu de filles de hobereaux si laides qu’elles n’ont pas trouvé de maris, ou de filles de joie qui n’en ont plus que le nom puisqu’elles ont désormais passé l’âge de faire commerce de leurs charmes. Croyez-moi, pour un peintre, il y a des lieux plus propices à l’inspiration. Non, dès que j’aurai fini le tableau et que j’aurai reçu mon dû, je m’en irai. Pourquoi me demandez-vous cela ?
    — Eh bien… répondit Afra en haussant les épaules, je pensais effectivement que vous ne deviez pas vous sentir particulièrement bien ici. J’aimerais vous parler, mais vous me promettez de garder cela pour vous ! Moi aussi je me sens mal à l’aise dans cette abbaye. Je n’attends que la meilleure occasion pour la quitter. Voudriez-vous…
    — J’ai été surpris de vous trouver ici, l’interrompit Alto, mais taisez-vous, je ne veux rien savoir. Cela ne me regarde pas.
    — Maître Alto, je n’ai rien à cacher. Je me suis enfuie d’une ferme où j’étais servante. Le hasard a voulu que j’atterrisse ici. Je ne suis pas faite pour une vie de cloîtrée. J’ai appris à travailler et je préfère être utile plutôt que de réciter des prières et des psaumes cinq fois par jour en étant, par ailleurs, un être foncièrement mauvais. Laissez-moi partir avec vous, je vous en prie. Vous connaissez le monde, vous avez de l’expérience, vous avez voyagé, tandis que mon univers à moi se réduit aux terres qui s’étendent autour de la ferme du bailli, à une journée de marche au plus. Je ne sais pas m’y prendre avec les gens que je ne connais pas et je ne suis pas immunisée contre le mal comme vous.
    Alto regardait pensivement par la fenêtre. Afra interpréta son long silence comme un refus.
    — Je ne serai pas une charge pour vous, gémit-elle, et je serai à votre disposition à chaque fois que vous le souhaiterez. Vous avez éprouvé du plaisir en regardant mon corps. N’est-ce pas ?
    À peine avait-elle prononcé ces mots qu’elle les regretta. Le bossu la transperça du regard.
    — Quel âge avez-vous donc ?
    Afra baissa les yeux. Elle avait honte.
    — Dix-sept ans, répondit-elle, puis elle ajouta avec une certaine assurance : que signifie l’âge ?
    —  é coute-moi, ma chère enfant, fit le peintre sur un ton grave, tu es belle. Dieu t’a donné beaucoup de grâce, de charme et des proportions harmonieuses que des centaines d’autres filles n’ont pas

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