Les conquérants de l'île verte
bel endroit dans la plaine
d’Arbthenn. « Voici qui nous convient, dit Rib à ses compagnons. Cette
bonne plaine riche en herbe verte nous permettra de faire paître nos troupeaux
sans jamais craindre que nous manque la nourriture. Et nous pourrons nous
abreuver tant que nous voudrons à cette source qui jaillit du sol vers le
ciel. »
Ils établirent donc leur camp dans la plaine d’Arbthenn,
bien décidés à s’y fixer définitivement. Mais, le soir même, quand ils allèrent
chercher de l’eau à la source, celle-ci déborda brusquement et les noya tous.
Et c’est depuis ce temps qu’il y a un lac au milieu de la plaine d’Arbthenn.
Quant à Ecca, Ebliu et tous leurs gens, ils poursuivirent
leur marche en direction du nord, mais sans trouver de lieu où s’installer. Ils
allèrent ainsi pendant de longues journées, s’arrêtant à peine quelques heures
chaque nuit pour reposer leurs membres fatigués et soigner leurs chevaux
épuisés à force de tirer de lourds chariots. Parvenus de la sorte à la vallée
de la Boyne, ils se retrouvèrent dans une prairie que surplombait la colline où
se dressait le tertre de la Brug, brillant et étincelant dans la lumière du
soleil couchant.
« Nous sommes harassés et n’en pouvons plus de marcher,
dit Ecca. Arrêtons-nous ici, car cet endroit est frais et plaisant, et nous
pourrons y dresser nos tentes sur la pente de la colline, à l’abri du
vent. »
Ils commencèrent à s’installer mais, du haut du tertre,
Angus, fils de Dagda, les avait vus, et il fut furieux que les intrus fussent
sur son domaine sans s’être même souciés de lui demander son avis. Aussi,
sortant de sa demeure, vint-il vers Ecca et, après lui avoir violemment reproché
son indélicatesse, le somma-t-il de partir immédiatement avec tous ses gens,
parce qu’il n’entendait sûrement pas laisser altérer la pureté de l’herbe qui
poussait sur la pente. Cela fait, il regagna la Brug.
Comme le soir tombait, Ecca ne pouvait se résoudre à
reprendre la route. Il décida finalement que l’on resterait en ce lieu pour
n’en partir que le lendemain matin. On monta sommairement les tentes et, comme
tous étaient très fatigués, ils s’endormirent profondément.
Ils étaient encore plongés dans le sommeil quand Angus
survint parmi eux, plus en colère que jamais. Il fit une incantation sur les
chevaux d’Ecca et d’Ebliu, et tous les chevaux périrent immédiatement.
« Tu as commis là une bien mauvaise action, ô fils de Dagda, lui dit Ecca.
Nous n’avions nulle intention de te nuire. Nous étions simplement harassés et
ne demandions qu’à nous reposer sur ton domaine jusqu’au matin. – Je ne vous
avais pas permis de rester, cria le Mac Oc. C’est votre faute si j’ai dû jeter
un charme sur vos chevaux pour les faire périr. Ne vous en prenez donc qu’à
votre outrecuidance. – Tu es mal venu de nous lancer ce vil reproche !
répliqua Ecca avec véhémence. D’abord, tu as failli aux devoirs d’hospitalité.
Ensuite, tu nous as privés de nos chevaux. Comment ferons-nous, maintenant,
pour tirer nos chariots avec tous ce qu’ils contiennent ? – Vous n’avez
qu’à les tirer vous-mêmes ! » répondit Angus.
Ils commencèrent donc à ranger leurs tentes et quand tout
fut en ordre, ils se mirent courageusement à traîner les chariots. Mais le
terrain n’étant pas plat, ils eurent grand-peine à les faire changer de place.
Depuis l’entrée de sa demeure, Angus les observait, non sans ironie, mais prêt
à leur renouveler ses reproches s’ils ne parvenaient pas à quitter sa terre.
Cependant, à force de les voir s’acharner avec tant d’ardeur, il prit pitié
d’eux, descendit la colline et alla les rejoindre. « Attendez !
s’écria-t-il. Je vais vous donner un cheval en compensation de ceux que j’ai
fait mourir. C’est un cheval fort et puissant qui vous permettra de tirer tous
vos chariots ensemble. »
Il rentra dans la Brug et revint peu après avec un
magnifique cheval gris, au pelage luisant, à la crinière argentée et aux pattes
fortes et saillantes. Et, avec le cheval, il y avait des harnais d’argent que
rehaussaient des boucles en or incrustées de pierres précieuses de toutes les
couleurs. « Je te cède ce cheval sans contrepartie, dit-il à Ecca, mais je
dois te donner un avertissement. Ce cheval n’appartient pas à la race des
chevaux que tu connais. Il te faudra veiller à ce qu’il ne cesse jamais de
marcher
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