Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les conquérants de l'île verte

Les conquérants de l'île verte

Titel: Les conquérants de l'île verte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
Vom Netzwerk:
matériaux périssables ?
    Sans attendre que Kikorios l’eût rejoint, Brennos, en
compagnie de Milé, se précipita donc en direction du sanctuaire de Delphes. À
l’annonce de la nouvelle, les villes de Phocidie envoyèrent chacune du secours.
Amphisie donna quatre cents hommes d’infanterie. Les Étoliens, pourtant bien
éprouvés déjà, fournirent un petit nombre de guerriers. Les autres dépêchèrent
à Delphes autant de troupes qu’ils purent en rassembler pour empêcher le
pillage que Brennos semblait méditer.
    À la vue du sanctuaire, celui-ci hésita cependant :
devait-il en ordonner l’attaque immédiatement, ou bien accorder à ses hommes,
épuisés par leur longue marche, une nuit de repos ? Deux des chefs gaulois
qui s’étaient associés à lui dans l’espoir d’un butin extraordinaire voulaient
qu’on attaquât d’emblée l’ennemi qui, campant sur la défensive, montrait des
signes de faiblesse. Mais les guerriers gaulois, qu’émerveillait après tant de
privations ce pays débordant de vivres et de vins, avaient abandonné leurs
étendards et se livraient à la joie de leurs succès et de cette abondance
inespérée. Ils se répandaient partout dans les campagnes, pillant ce qui
pouvait l’être et se gorgeant de nourriture et de boisson.
    Brennos s’efforça de les regrouper et de les exciter en leur
montrant le magnifique butin qui s’offrait à eux. Il improvisa des discours
enflammés, vantant l’or massif des statues, des chars qu’on distinguait au
loin, jurant que le poids de ces objets serait plus riche encore que leur seule
vue ne semblait le promettre. Excités par son éloquence, échauffés par les
orgies qu’ils venaient de s’offrir, les Gaulois acceptèrent enfin de combattre.
    Ressentant le danger imminent, les habitants de Delphes
interrogèrent le dieu pour savoir s’il fallait retirer des temples les trésors
qui s’y trouvaient, s’il fallait éloigner au plus vite femmes et enfants et les
mettre en sûreté dans les villes voisines, mieux fortifiées. Par la voix de la
Pythie, le dieu ordonna de laisser les offrandes et les ornements de ses
sanctuaires en leurs lieu et place, car lui-même, ainsi que les Vierges
Blanches ses compagnes, prenait tout sous sa sauvegarde. Dans le temple du
dieu, se trouvaient en effet deux chapelles fort anciennes, l’une consacrée à
Pallas Pronaos, l’autre à Artémis, et ces deux déesses, d’après l’oracle,
seconderaient Apollon.
    Et, de fait, se manifestèrent tout à coup les signes
évidents de la colère céleste contre les Gaulois. D’abord, le terrain
qu’occupait leur troupe fut agité d’un tremblement qui dura une grande partie
de la journée. Ensuite, gronda le tonnerre, accompagné d’éclairs continuels qui
non seulement terrifiaient l’assaillant, mais l’empêchaient d’entendre les
ordres de ses chefs. La foudre, qui tombait fréquemment sur eux, ne se
contentait pas de tuer ceux qu’elle frappait : une exhalaison enflammée se
communiquait à leurs compagnons immédiats et les réduisait en cendres, eux et
leurs armes. En outre, on vit paraître dans le ciel des héros de l’ancien temps
qui ranimaient le courage des Grecs et leur montraient comment combattre leurs
ennemis. Même les prêtres du sanctuaire s’élancèrent au milieu de la bataille
et se placèrent au premier rang, criant que le dieu était venu les protéger,
qu’ils l’avaient vu surgir à travers les épais nuages qui entouraient les
montagnes.
    Il semblait que l’univers entier était en furie. Les
Gaulois, après avoir essuyé tant de malheurs et tant de craintes pendant la
journée de la bataille, subirent une nuit plus funeste encore : il fit en
effet un froid mortel qui devint plus cuisant à cause de l’énorme quantité de
neige qui tomba. Et les Gaulois crurent même voir les Vierges Blanches des
prophéties les combattre, tant les rafales et les bourrasques de neige les
accablaient.
    D’ailleurs, comme si tous les éléments avaient comploté leur
perte, il se détacha du mont Parnasse de grosses pierres, ou plutôt des pans de
rochers entiers qui, roulant sur eux, n’en écrasaient pas seulement un ou deux
à la fois, mais des trente et quarante. Et le soleil ne fut pas plus tôt levé
que les Grecs, qui s’étaient retranchés dans la ville, firent une sortie. Au
même moment, les Phocéens dévalaient du Parnasse à travers les neiges. Seuls,
les gardes de Brennos, tous hommes d’élite et

Weitere Kostenlose Bücher