Les conquérants de l'île verte
une quinzaine d’hommes.
Ce jour-là, les chefs des tribus de Dana étaient réunis à
Tara, dans la maison royale, pour trancher la contestation qui s’était élevée
entre Mac Cuill et ses frères, Mac Cecht et Mac Greine. Ces deux derniers
accusaient Mac Cuill d’avoir accaparé une plus grande part des trésors de
Fiachna, fils de Delbaeth, qui était mort peu auparavant. Quant Ith arriva à
Tara, le portier le fit entrer dans la maison royale, et les rois lui
souhaitèrent la bienvenue puis lui exposèrent l’objet de leur dispute.
« Il serait convenable que vous soyez en bonne amitié,
répondit Ith, car il n’y a pas de pays heureux et prospère si l’entente et la
fraternité ne lient ceux qui le gouvernent. Votre île est bonne et verdoyante,
avec ses agréables pâturages ; le blé, le poisson, le grain y abondent. La
chaleur et le froid y sont modérés ; vous avez tout ce qu’il vous faut.
Cessez donc de vous disputer, partagez équitablement les trésors qui font
l’objet de la contestation. Pour ma part, je ne vous demande qu’une
chose : que vous nous laissiez nous installer dans l’une de vos
régions : nous la cultiverons avec soin, nous y élèverons de grands
troupeaux, et nous vous rendrons hommage pour tous les bienfaits que vous nous
accorderez. – Certes, dirent les rois, il serait malheureux que nous nous
disputions si ardemment pour des trésors qui n’en valent pas la peine. Quant à
toi, retourne vers les tiens et dis-leur que nous sommes prêts à conclure un
traité avec vous tous. »
Ith leur dit adieu et, satisfait d’avoir bien rempli sa
mission, repartit vers l’endroit où avaient abordé les Fils de Milé.
Cependant, les chefs des tribus de Dana murmuraient derrière
lui. Ils disaient que c’était le fils d’un des rois du monde, et qu’il était
venu les espionner dans le but de s’emparer de toute l’île, et qu’il ne fallait
pas permettre à ces gens-là de s’installer sur des terres que les tribus de
Dana avaient conquises par leur valeur, leur bravoure et leur ténacité. Ils
complotèrent donc de tuer Ith et se lancèrent à sa poursuite. Et c’est
grièvement blessé qu’Ith se traîna jusqu’auprès des Fils de Milé. Il eut le
temps de leur conter ce qui s’était passé, et il mourut. Très affligés, ses
frères et les autres Fils de Milé lui dressèrent un tombeau et un pilier
funéraire. « Nous ne laisserons pas ce crime impuni, dit Éber Donn, le
frère puîné d’Ith. Nous irons sans tarder demander justice auprès des trois
rois des tribus de Dana. »
Ils se mirent donc en marche en direction de Tara. En route,
ils rencontrèrent Banba, l’une des trois reines. Elle les vit arriver et leur
dit : « Si c’est pour vous emparer de cette île que vous êtes ici,
sachez que vous n’êtes pas venus sous un bon signe. – C’est par nécessité que
nous sommes ici, répondit Amorgen, le poète. Mais de quel droit te permets-tu
de prononcer des paroles néfastes ? – Faites-moi un don, dit Banba. –
Lequel ? demanda Amorgen. – Que l’on donne mon nom à cette île. – Quel est
ton nom, et de quelle race es-tu ? reprit Amorgen. – On me nomme Banba,
répondit-elle, et je suis de la race d’Adam. Je suis plus vieille que Noé.
J’étais au sommet d’une montagne pendant le Déluge, et les vagues de la mer ne
m’ont pas atteinte. » Les druides des Fils de Milé chantèrent alors une
incantation, et Banba s’éloigna d’eux sans qu’ils lui eussent accordé son don.
Plus loin, ils rencontrèrent Fothla, la deuxième des trois
reines. Elle leur tint le même langage que Banba, et ils l’écartèrent de même
en prononçant sur elle des incantations. Puis, après avoir repris leur route,
ils rencontrèrent la troisième reine, l’épouse de Mac Greine, qui avait nom Ériu.
« Ô guerriers ! s’écria-t-elle en les voyant, soyez les bienvenus sur
cette île. Il y a longtemps que nos prophètes ont annoncé votre arrivée. Cette
île sera vôtre à tout jamais et, dans le monde entier, il n’y aura pas de terre
plus magnifique. Nulle race ne sera plus nombreuse que la vôtre. – La prophétie
est bonne, dit Amorgen au genou blanc. – Faites-moi un don, reprit Ériu. – Lequel ?
demanda Amorgen. – Que l’on donne mon nom à cette île, répondit-elle. – Eh
bien, dit Amorgen, que ton nom soit son principal nom. »
Ils arrivèrent ensuite à Tara. Éber Donn et ses frères
furent reçus par les
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