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Les conquérants de l'île verte

Les conquérants de l'île verte

Titel: Les conquérants de l'île verte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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d’une taille prodigieuse,
résistèrent à cet assaut, malgré le froid et l’épuisement. Mais, voyant leur
chef grièvement blessé et presque aux abois, ils ne songèrent plus qu’à le
couvrir de leurs corps et à l’emmener, donnant par là le signal d’une débandade
générale.
    Dans leur fuite, ils campèrent où la nuit suivante les
surprit et, cette nuit-là, ils subirent une terreur panique, puisqu’ainsi l’on
nomme ces frayeurs qui, faute de fondement, sont, à ce qu’on croit, inspirées
par le dieu Pan en personne. L’horreur de la nuit leur fit d’abord croire à une
fausse alerte : la peur saisit un petit groupe de guerriers qui
entendirent un bruit de galopade et s’imaginèrent que les ennemis les
attaquaient à revers. Bientôt, leur peur se communiqua aux autres, et
l’épouvante fut si générale que tous se saisirent de leurs armes, se divisèrent
en plusieurs groupes et se frappèrent mutuellement, fermement convaincus qu’ils
affrontaient les Grecs.
    Leur trouble était si grand qu’à chaque mot qu’ils
entendaient, ils s’imaginaient entendre parler des Grecs, comme oublieux de
leur propre langue. D’ailleurs, dans les ténèbres, ils ne pouvaient reconnaître
ni distinguer la forme de leurs boucliers, pourtant si différente de celle des
boucliers adverses. Ainsi, chacun d’eux se méprenait-il d’une façon ou d’une
autre, et cela dura toute la nuit. De sorte que bien peu d’entre eux purent,
une fois la lumière du jour revenue, regagner le camp d’Héraclée.
    De fait, Brennos avait perdu plusieurs milliers d’hommes
dans l’aventure, et lui-même avait été blessé trois fois. Sachant qu’il n’avait
plus beaucoup de temps à vivre, il fit venir à son chevet ses principaux
lieutenants et leur conseilla de l’achever, ainsi que tous les blessés, de
brûler les chariots, de gagner un port et de s’en retourner au plus vite vers
leur pays d’origine. Il confia aussi le commandement de ce qui lui restait de
troupes à Kikorios et à Milé puis, après s’être enivré, il se poignarda de sa
propre main. Ainsi périt le chef de cette expédition à travers les montagnes et
les vallées de la Grèce.
    Kikorios le fit ensevelir et tuer les blessés, de même que
tous ceux que le froid ou la faim avaient rendus infirmes, et dont le nombre
était très élevé. Alors, en accord avec Milé, il prit avec lui ceux des hommes
qui appartenaient à son clan et se dirigea vers la mer. Il lui fallut combattre
encore à plusieurs reprises pour se frayer un passage et pour s’emparer de
bateaux. Une fois sur la mer, lui et les siens se dirigèrent où les vents les
poussaient, et ils abordèrent en Asie. Et ce sont eux qui, depuis lors, sont
appelés Galates. [80]
    Quant à Milé et à ses compagnons, ils prirent une autre
direction et, après de nombreuses tribulations, parvinrent à un port où ils
décidèrent de quitter le pays. Après avoir troqué une partie de leur butin
contre des bateaux, ils s’en allèrent sur la mer et abordèrent en Crète. Mais
ils y restèrent peu de temps, parce que les habitants du pays les traitaient en
indésirables. Alors, ils s’embarquèrent de nouveau et atteignirent l’Égypte.
C’est là que mourut Milé et que son fils, Bréogan, devint le chef du clan qu’on
appela plus tard les Fils de Milé.
    Mais, le pays d’Égypte ne leur convenant pas, ils décidèrent
tous de repartir. Ils errèrent sur la mer Tyrrhénienne et finirent par prendre
pied en Sicile. Ils n’y restèrent pas longtemps, car leurs druides et leurs
devins leur avaient dit d’aller le plus loin possible vers l’ouest, vers les
pays où le soleil disparaît dans les flots de l’océan. Ils reprirent donc la
mer, avec plusieurs navires, et finirent par aborder en Espagne. Et c’est là
que mourut Bréogan, fils de Milé. Mais il laissait huit fils, et ce sont eux
qui furent les chefs des Fils de Milé et qui voulurent leur donner un pays
digne de leur vaillance.
    Le fils aîné de Bréogan portait le nom d’Ith. Il était, plus
que tous les autres, décidé à découvrir le pays merveilleux dont son frère
Amorgen, qui était poète, vantait les mérites à chacune de ses visions
prophétiques. Un jour, il gravit une montagne et en atteignit le sommet. Le
temps, très clair, permettait de voir très loin à l’horizon. Il regarda dans la
direction où le soleil se couche chaque soir, et il aperçut une terre
verdoyante qui lui parut admirable. Il

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