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Les conquérants de l'île verte

Les conquérants de l'île verte

Titel: Les conquérants de l'île verte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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s’étaient rassemblés. Ils
en souffrirent grandement. Voyant que la situation devenait grave, leurs chefs
firent sonner la retraite, mais celle-ci s’opéra dans une telle précipitation
que, tombant les uns sur les autres, nombreux furent les guerriers qui périrent
écrasés. D’autres s’enfoncèrent dans les marécages que formait à cet endroit le
voisinage de la mer. Et les Gaulois perdirent dans leur fuite autant d’hommes
que leur en avait coûté la bataille.
    Mais Brennos ne renonça pas pour autant. Sept jours plus
tard, de nouvelles troupes gauloises se mirent en marche pour tenter cette fois
de passer par le mont Œta. Brennos prétendait leur faire emprunter un petit
sentier qui menait à Trachine, ville qui était en ruine, à cette époque, mais
au-dessus de laquelle se dressait un temple de Pallas que les habitants de la
région avaient enrichi de maintes et maintes offrandes. Les Gaulois voulaient,
par ce chemin dérobé, gagner le haut de la montagne et en profiter pour piller
le temple.
    La chose n’était pourtant pas facile, car les Étoliens
gardaient les passages, et ils s’élancèrent à l’improviste sur les Gaulois, les
taillant en pièces. Ceux-ci commençaient à désespérer, et nombre d’entre eux
parlaient de rebrousser chemin. Seul, Brennos ne perdait pas courage. Il lui
vint à l’esprit que, s’il pouvait obliger les Étoliens à retourner chez eux, il
aurait le passage libre. Aussi forma-t-il un détachement de quarante mille
hommes à pied et de huit cents cavaliers dont il confia le commandement à un
chef très brave du nom de Milé, ainsi qu’à son lieutenant Orestorios. Il leur
donna l’ordre de repasser le Sperchios, de traverser la Thessalie et d’aller
mettre à feu et à sang le pays des Étoliens.
    Ce furent ces troupes qui saccagèrent la ville de Callion et
y firent un massacre épouvantable. Tout sexe viril fut mutilé ; les
vieillards furent passés au fil de l’épée, les enfants au maillot arrachés du
sein de leur mère et égorgés ; et ceux qui paraissaient nourris d’un
meilleur lait que les autres, les Gaulois en buvaient le sang et se
rassasiaient de leur chair [79] .
Les femmes et les jeunes filles qui avaient quelque sentiment de l’honneur se
donnèrent elles-mêmes la mort pour échapper à la fureur des vainqueurs.
D’autres, obligées de souffrir toutes les indignités que l’on imagine,
devinrent ensuite la risée de leurs tortionnaires, aussi peu susceptibles de
pitié que d’amour.
    Quand les Étoliens qui défendaient les Thermopyles apprirent
ce qui se passait dans leur pays, ils quittèrent leur poste au plus vite pour
aller secourir leurs compatriotes et laissèrent les Gaulois libres d’agir comme
bon leur semblait.
    Depuis les Thermopyles, on pouvait gagner le sommet du mont
Œta par deux sentiers très différents : l’un, fort étroit et rude, menait
au-dessus de Trachine ; l’autre, plus aisé pour le passage d’une armée,
traversait les terres des Énianes. Brennos décida de l’emprunter pour son
expédition.
    Ainsi, les Grecs apprirent-ils soudain que les Gaulois
tenaient cette route, conduits par les habitants d’Héraclée et par les Énianes.
Brennos avait laissé son lieutenant Kikorios au camp et, avec quarante mille
hommes, il suivait ses guides. Le hasard voulut que, ce jour-là, le mont Œta
fût recouvert d’un brouillard si épais que le soleil lui-même ne put le percer.
De sorte que les Phocéens postés dans la région n’aperçurent l’ennemi que
lorsqu’ils eurent à subir son premier assaut. La confusion fut alors très
grande et le danger extrême : les uns s’acharnèrent à empêcher les Gaulois
de passer ; les autres tentèrent d’opérer des diversions mais, à la fin,
cernés de toutes parts, ils abandonnèrent leurs positions et s’éparpillèrent en
tous sens, laissant l’adversaire maître du terrain.
    Brennos ne perdit pas de temps. Il ordonna aussitôt de
marcher sur Delphes, répétant à qui voulait l’entendre que les dieux n’avaient
que faire de trésors puisque c’étaient eux qui les prodiguaient aux humains. Un
jour, d’ailleurs, étant entré dans un temple, il n’accorda même pas un regard
aux offrandes d’or et d’argent que l’on y avait déposées mais s’y empara
seulement des images de pierre et de bois, non sans un énorme éclat de
rire : comment les Grecs pouvaient-ils prêter des formes humaines aux
divinités et les fabriquer avec des

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