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Les conquérants de l'île verte

Les conquérants de l'île verte

Titel: Les conquérants de l'île verte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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trois rois, et ils leur reprochèrent avec véhémence le
crime qu’ils avaient commis envers Ith, car celui-ci était venu vers eux en
messager de paix et non pour des raisons agressives ou malhonnêtes.
    Ils délibérèrent pendant longtemps, puis ils convinrent d’un
arrangement : les Fils de Milé devraient retourner dans leurs bateaux et
lever l’ancre et si, avant un délai de trois jours, ils avaient réussi à
aborder de nouveau, toute l’île leur appartiendrait. Si, en revanche, au bout
des trois jours, les Fils de Milé n’avaient pu aborder, l’île demeurerait la
possession des seules tribus de Dana. En fait, les trois rois pensaient que les
Fils de Milé ne reviendraient jamais, car les druides mettraient tant
d’incantations contre eux que les vents les pousseraient bien loin dans le
grand océan. « Nous verrons bien, dit Éber Donn. Que pense Amorgen de
cette proposition ? – C’est un bon jugement, répondit Amorgen. – À quelle
distance irons-nous ? demanda Éber Donn. – Au-delà de neuf vagues. »
    Les Fils de Milé sortirent donc de la forteresse de Tara et
se dirigèrent vers le sud jusqu’au port de Scene, à l’embouchure de la rivière
Feile, où ils avaient laissé leurs bateaux. Ils embarquèrent, levèrent l’ancre
et naviguèrent jusqu’au-delà de la neuvième vague. Les druides des tribus de
Dana et tous les poètes chantèrent alors des incantations derrière eux, de
telle sorte que les vents entraînèrent les navires très loin de l’Irlande et
que leurs passagers, fatigués, connurent l’angoisse de se retrouver en pleine
mer.
    « C’est un vent druidique qui nous pousse aussi loin,
dit Éber Donn. Regardez si le vent souffle au-dessus des mâts. » Ils
regardèrent attentivement et virent qu’il n’en soufflait pas. « Patience,
dit Érech, l’un des fils de Milé, qui pilotait le bateau d’Éber Donn ; il
suffit de demander à Amorgen d’agir contre ce vent druidique. » Érech
était fils adoptif d’Amorgen. Il appela celui-ci. « C’est une honte pour
tous nos hommes d’art, dit Éber Donn, de supporter plus longtemps l’affront que
nous font subir les druides d’Irlande. – Non, répondit Amorgen, ce n’est pas
une honte. Mais nos hommes ne peuvent rien entreprendre tant que tu n’auras pas
toi-même fait quelque chose contre la magie des tribus de Dana. »
    Éber Donn tira son épée hors de son fourreau et la tendit
vers le ciel. « Par le dieu que jure ma tribu ! s’écria-t-il, je jure
de passer par le tranchant de mon épée tout ce qui vit sur cette île. » Le
vent tournoya et poussa alors les bateaux des Fils de Milé vers le rivage où
ils ne tardèrent guère à aborder. « Vois-tu, dit Amorgen, notre puissance
druidique vaut bien celle des tribus de Dana. Nous sommes revenus en Irlande
avant les trois jours qu’on nous avait fixés. Nous sommes donc en droit de nous
emparer de toute cette île. »
    Ils prirent leurs armes et leurs équipements et se mirent en
route vers Tara. Pendant ce temps, les chefs des tribus de Dana avaient appris
leur retour en Irlande. Ils s’étaient réunis en hâte dans la maison royale de
Tara. Il y avait là les trois rois, Mac Cuill, Mac Cecht et Mac Greine, ainsi
que Mananann, fils de Lîr, Goibniu, le forgeron, Diancecht, le médecin, Lug au
Long Bras, fils de Cian, Dagda, qu’on appelait aussi Éochaid Ollathair, et
Bobdh Derg, fils de Dagda. Ils examinèrent longuement la situation, mais ils ne
parvenaient pas à trouver de solution au conflit qui allait les opposer
fatalement aux Fils de Milé. « Il nous faut partager le pays avec eux,
disait Dagda. – C’est impossible, répondaient les trois rois. Il faut les
rejeter à la mer, car nous sommes les uniques possesseurs de cette île. – Nous
avions établi avec eux une convention, disait Lug, et nous devons la respecter.
S’ils revenaient sur cette terre avant trois jours, ils devenaient les maîtres
de l’Irlande. Respectons nos engagements, et retirons-nous dans nos domaines
féeriques : nous y serons toujours les maîtres, quoi qu’il arrive, et ils
ne pourront pas pénétrer jusqu’à nous sans que nous le sachions. – Et puis,
ajouta Mananann, n’avons-nous pas le don d’invisibilité ? Nous pouvons
errer à travers le monde sans que personne puisse soupçonner notre présence. »
    Mais les trois rois des tribus de Dana se montrèrent
intraitables. Ils exigèrent de leurs compagnons qu’ils s’engageassent

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