Les contrebandiers de l'ombre

affaires ensemble, maintenant.
    — Bien sûr, approuva Dante.
    Sur un petit signe de tête, il sortit de la Dame blanche sous les regards de tous ceux qui se trouvaient à l'intérieur.

    — Bon, voyons voir, reprit Rhea en faisant un tour d'horizon de toutes leurs acquisitions.
    En levant la tête, elle aperçut Dante et Alastair qui descendaient tranquillement la rue, mais ils ne virent pas son geste de la main. Un gamin venait de les accoster, un morceau de papier à la main. Il tira la manche de Dante. Celui-ci se pencha avec un sourire et échangea une piécette contre la feuille de papier soigneusement pliée. Il jeta un rapide coup d'œil sur son contenu.
    L'instant d'après, la missive avait disparu dans sa poche, et les deux hommes rejoignaient Rhea et son groupe de porteurs.
    — Eh bien ! s'exclama Dante en les accostant. Les choses sont allées beaucoup mieux que je ne le pensais !
    Juste avant de repartir pour le pavillon de chasse, et après avoir rappelé à l'ordre les deux chenapans de leur suite, au milieu d'une bataille rangée avec tous les galopins du village, Rhea aperçut une silhouette écarlate s'enfuyant au galop par la rue Haute, les plumes de son chapeau s'agitant à chaque pas du cheval.
    Rhea se demanda aussitôt si le message que venait de recevoir Dante n'avait pas pour expéditrice Bess Seacombe.
    La jeune femme ne pouvait s'empêcher de trouver étrange qu'il fasse mystère de cela. Pour la première fois depuis leur mariage, Rhea Claire Leighton douta de la sincérité de son mari.

    Chapitre 27

    — Je dois dire que vous étiez plutôt inamical l'autre jour, déclara Dante Leighton d'une voix qui, bien que modérée, sonnait comme le tonnerre dans le silence de la nuit.
    Sir Morgan se retourna brusquement, frappé par la voix légèrement railleuse qui jaillissait des ténèbres.
    — Vous arrivez toujours en avance à vos rendez-vous ? demanda sir Morgan, démonté par la façon dont Leighton avait réussi à le prendre au dépourvu.
    — Pas plus tôt que vous, rétorqua Dante en se révélant à la lumière de la lune.
    Sir Morgan était bien un quart d'heure en avance.
    — Vous avez donc reçu mon message ?
    — Naturellement. Je n'abandonne pas mon lit douillet pour battre la campagne à minuit sans une bonne raison. J'attendais des nouvelles de vous, pour ne rien vous cacher. J'étais sûr que vous m'aviez joué une petite comédie, l'autre jour. Enfin, je l'espérais...
    — Si j'avais vraiment cru à votre responsabilité dans la mort de mon frère, capitaine Leighton, vous auriez reçu un mandat d'amener, au nom du roi, et pas une visite courtoise, répondit sir Morgan avec le plus grand sérieux.
    — Je me sens néanmoins responsable car son navire s'est perdu dans Dragons Cove. Les eaux de cette anse sont notoirement dangereuses. Et même les meilleurs capitaines ont perdu le contrôle de leur bâtiment dans ce coin.
    — Comme je vous l'ai dit, il est arrivé sain et sauf au rivage, capitaine. C'est là qu'il a rencontré la mort, lui rappela sèchement sir Morgan.
    Il n'admettait pas de discussion sur ce point.
    — Il est aussi certain que les naufrages attirent des hordes de charognards qui volent tout ce qu'ils peuvent. L'un d'eux aurait pu s'affoler en voyant les uniformes du roi, et tuer...

    L'explication était raisonnable, mais il en fallait plus pour persuader le frère du défunt.
    — Mon frère a été trahi, et il suspectait déjà le traître. Il y avait fait allusion dans sa dernière lettre. Seulement, il a dû faire une erreur et l'a payée de sa vie, rétorqua amèrement sir Morgan. C'était un bon capitaine. Il connaissait bien la côte. Ben était très prudent de caractère. Quelqu'un a dû l'attirer dans ces parages. Je pense même que Benjamin n'a eu connaissance de sa position que trop tard. Probablement, des signaux trompeurs émis de la côte l'ont dirigé vers les récifs. Je crois que ce massacre avait été préparé avec grand soin, parce qu'il était sur le point de démasquer le traître.
    Le dos contre un des dragons de pierre, Dante cherchait à lire l'expression de sir Morgan dans l'obscurité.
    — Et pourquoi ne me soupçonnez-vous pas ? Comme vous le disiez, je pourrais parfaitement être derrière tout cela, malgré ma longue absence. Ou bien même, mes sympathies pourraient rester aux contrebandiers. Beaucoup d'entre eux sont de pauvres fermiers qui ont trouvé là un moyen comme un autre de survivre, et je pourrais très