Les contrebandiers de l'ombre

cette Mme Lamberé quand...
    Rhea hocha la tête en signe d'exaspération. Dante lui rappelait un petit garçon dont la surprise aurait été gâchée.
    — Mais non, ce n'est pas cela. Ce sont les plus belles robes que j'aie jamais vues, mais...
    — Mon seul souci est qu'elles te plaisent !
    Les mots de Dante étaient sans appel, et la discussion impossible.
    — J'ai des armoires pleines de robes chez moi... Des robes que j ai à peine mises, répliqua Rhea, essayant de le convaincre de sa sincérité. Mes parents ont toujours veillé à tous mes désirs, je suis certaine que tout cela est encore à Camareigh !
    L'expression de Dante était indescriptible. Son corps se tendit soudainement. Il se tenait debout devant elle, son regard errant sur les cheveux d'or de Rhea, que faisait vivre la danse du feu.
    — Tes parents n'ont plus besoin d'avoir la responsabilité de ton confort, Rhea. Ces vêtements que tu as là-bas sont ceux d'une autre vie. Je veux que tu ne portes que ce que je t'ai offert.
    Tout ce que tu porteras, c'est de moi que tu l'auras reçu, et de personne d'autre. Comprends-tu?
    Sa voix se faisait implacable.
    — Je ne comprends pas... Tu veux que j'oublie ma famille et ma vie d'avant ? demanda Rhea, interloquée, mais calme.
    — Mais non, dit-il rapidement, comprenant trop tard qu'il était allé un peu loin. Ce que je voulais dire, c'est que je n'avais pas l'intention de te laisser retourner à Camareigh habillée comme tu l'étais à bord du Dragon des mers. C'était pourtant charmant, il faut l'avouer. Mais peut-être que si tu apparais bien habillée, ton père acceptera de me laisser m'expliquer avant de me faire sauter la cervelle? Je ne puis le blâmer. Si j'étais à sa place et qu'un gentilhomme de réputation aussi discutable arrive avec ma fille dans ses bras, je ne perdrais certainement pas beaucoup de temps pour l'envoyer en enfer ! ajouta-t-il avec un sourire froid.
    — Oh, Dante ! soupira Rhea soulagée.

    Elle comprenait enfin : Dante retardait l'événement et la comblait de cadeaux pour s'assurer de sa loyauté. Si elle ne l'aimait pas tant, elle en aurait été certainement offensée.
    — Pour un homme aussi intelligent, tu te comportes vraiment comme un fou, parfois. Ne t'ai-je pas convaincu que je t'aimerais toujours ? Tu n'as pas besoin de t'inquiéter à propos de ma famille. Ils t'accueilleront dans leur cœur, comme dans leur maison, dès qu'ils te rencontreront.
    Rhea oublia ses propres doutes aussi vite qu'ils étaient arrivés.
    — Alors c'est bien vrai que l'amour est aveugle, murmura Dante avec un sourire d'amertume, se demandant combien de temps passerait avant que Rhea, influencée par d'autres, commençât à voir « son » Dante sous un jour moins favorable.
    Jusque-là...
    Dante tenait la petite boîte de cuir hors de sa portée. Il grimaça :
    — Peut-être as-tu raison, ma chère : je me suis donné bien du mal pour décorer un lys. Je suis bien dans l'embarras à présent : ça m'étonnerait que je puisse retourner ceci, ou l'échanger. Je suppose qu'il faudra trouver quelqu'un de plus intéressé. Tu pourrais éventuellement me suggérer cette personne, non ? demanda-t-il le plus sérieusement du monde. Je suppose que tu n'as pas de sœur qui soit blonde aux yeux bleus, et suffisamment vénale pour accepter un colifichet ou deux ?
    Rhea déplaça le chat et le posa sur le siège à côté sans qu'il s'en plaigne.
    — Effectivement, j'ai une sœur, et je croyais" te l'avoir dit. Evidemment, le genre de colifichets qu'elle apprécie t'empoissera les mains : elle a seulement deux ans. Non ! (Rhea se corrigea avec un mouvement nerveux de la tête.) Elle en a trois maintenant ! Elle aime les tartelettes à la crème. Non, je ne crois pas qu'elle puisse convenir. Cependant, continua-t-elle sur le même ton, il y a toujours Caroline. Oui, je crois qu'elle serait parfaite pour toi, Dante.
    Elle est blonde, elle a les yeux bleus, et malheureusement, elle est assez grigou. Je pourrais arranger une rencontre ? Elle vient dune famille très respectable, et c'est la fille d'un très bon ami de mon père, sir Jeremy Winters.
    — C'est la fille qui était avec toi, le jour de ton enlèvement ?
    — Oui, et jusqu'à hier encore, je ne savais pas si elle était seulement en vie. J'avais tout lieu de croire qu'elle était morte, de même que je n'en pensais pas moins de Wesley Lawton.
    — Ah, oui ! Le seigneur de Dindale. Si je me souviens bien, tu étais très