Les contrebandiers de l'ombre
seulement à cette époque, quand votre fille a fait irruption sur mon navire, il m'a été offert la possibilité de revenir en Angleterre et d'atteindre certains objectifs que je m'étais assignés. Quand Rhea est arrivée à bord, nous allions entreprendre un voyage qui devait changer le cours de nos existences à tous. Avec le trésor d'un galion espagnol coulé il y a très longtemps, et dont nous avions déterminé la position par hasard, nous pouvions devenir plus riches que nous ne l'avions jamais espéré. Je pouvais abandonner la course, la contrebande, récupérer mes biens, ce qui m'était impossible auparavant. Je n'aurais jamais laissé passer une occasion comme celle-là, pour rien au monde!
La voix de Dante exprimait la même détermination qui l'avait conduit avec son équipage jusqu'à ce rivage de Floride.
— Alors, au diable ma fille et le reste du monde ! s'exclama le duc avec mépris.
— Non, Votre Grâce, répliqua Dante, alors que les doigts du duc chatouillaient la poignée de son épée. Au cours de ce voyage, un autre élément est intervenu dans ma vie. Je suis tombé amoureux de votre fille, et j'avoue l'avoir retenue à bord à Antigua pour cette raison. Mais Rhea est pleine de ressources, et elle s'est arrangée pour gagner la terre ferme malgré tout.
Puis, parce qu'il avait été blessé à cause d'elle dans une rixe, Rhea est retournée à bord de son plein gré, pour soigner un jeune garçon, membre de l'équipage.
Lord Dominick regarda sa fille. Il n'était guère surpris de ce trait de son caractère. Sans s'en rendre compte, il prit une mèche de ses cheveux dans la main et joua avec elle. Il avait guidé Rhea dans toutes les circonstances de sa jeunesse, quand elle était montée sur son premier poney, quand elle était allée à son premier bal. Chaque fois, il était là. Mais cette fois-ci... Sa douce Rhea n'avait jamais apporté que de la joie à sa famille. Elle était tellement merveilleuse! Tout ce qu'elle venait d'endurer lui faisait plus mal, à lui, que n'importe quelle blessure. Le duc comprit combien avait changé son apparence, et ce n'était que le reflet des transformations de son esprit.
Il avait été frappé par son indicible beauté quand elle lui avait ouvert la porte. Que s'attendait-il à voir ? Probablement l'ombre pâlotte de ce qu'elle avait été. Au lieu de cela, il se trouvait devant une beauté à couper, le souffle. Elle avait toujours été saisissante, mais elle possédait à présent une chaleur et une présence jadis masquées. Bien que plus mince, son visage avait mûri. Les couleurs de son corps étaient plus riches, plus éclatantes. De toute évidence, la jeune fille enlevée était devenue femme. Son sourire était naturellement séducteur, sans être dévergondé. Et sa tendresse apparaissait spécialement lorsqu'elle regardait Leighton.
Le duc était blanc de rage. Sa cicatrice ressortait avec violence tandis qu'il parvenait à cette conclusion. Cette colère se communiqua à Dante qui, rencontrant son regard, prit la main de Rhea. Celle-ci lui répondit avec force et leurs doigts se mêlèrent passionnément, alors que son autre main restait dans celle de son père.
— Je pense que vous devez, avant que vous ne tiriez des conclusions excessives, connaître la raison majeure qui a fait demeurer Rhea à Londres, dit Dante calmement.
— Dante ! Non ! Ce n'est- pas le moment ! Je voudrais expliquer tout cela à mes parents. Ils ont besoin de comprendre... de temps...
Il y eut un instant de silence pesant. Dante reprit comme si de rien n'était :
— Je crois que c'est le moment. Ton père pense que je t'ai séduite, peut-être même violée. Je devine qu'il donnerait la moitié de sa fortune pour me voir au bout d'une corde.
— Ce n'est pas vrai ! s'écria Rhea en se tournant vers son père.
— Ma pauvre enfant, tu as dû souffrir. Si je pouvais seulement changer le passé ! Je ne te blâme pas pour ce qui est advenu. Tu es si jeune ! Tu as été manipulée par trop de gens pendant toute cette année. Maintenant, je souhaite te protéger contre d'autres peines. Je vais te ramener à la maison, Rhea.
— Père, j'aime Dante, jamais il ne m'a prise sans mon consentement, déclara-t-elle en pressant la main paternelle.
Lord Dominick ne voulait rien entendre de semblable.
— Comme toujours, tu es la loyauté personnifiée. Mais ce sentiment est bien mal placé, cette fois-ci. Cet homme t'a séduite, c'est l'évidence. Il
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