Les contrebandiers de l'ombre

pense que Dante m'a séduite. Mais c'est faux, absolument faux ! Je l'aime depuis le début. Il ne m'a jamais forcée. Et je serais morte s'il n'avait pas insisté pour me garder à bord. Son steward m'a ramenée à la vie !
    — Le fait que tu sois mariée à ce mécréant est déjà trop ! Cet homme doit être un coureur de dot. Et il se trompe fortement s'il pense obtenir un seul sou de nous ! déclara la duchesse.
    — Il ne croyait pas vraiment que j'étais la fille du duc et de la duchesse de Camareigh, mère.
    Et ce n'est pas un coureur de dot. Dante a une jolie fortune. Il n'a aucun besoin d'argent et je ne pense pas qu'il en accepterait, répliqua Rhea avec fierté.
    — Il me semble parfaitement visible que ce personnage a une influence notable sur notre fille, Lucien. Tu as rencontré ce Leighton ? Et il est encore vivant ? demanda la duchesse, incrédule.
    Sabrina avait un caractère emporté, elle n'aurait guère perdu de temps en vaines politesses dans un tête-à-tête avec Dante Leighton.
    — Oui, je l'ai rencontré, avec la plupart de l'équipage de ce Dragon des mers. Il ne se laissera certainement pas impressionner par une grande famille, car il est lui-même marquis, marquis de Jacobi, pour se montrer précis. Curieusement, il se trouve que je connaissais son grand-père.
    — Réellement ? Il ne m'en paraît pas plus sympathique pour autant...
    — Oh, j'avais presque oublié, reprit le duc, se réjouissant secrètement de ce qu'il allait lancer.
    Il y avait un Ecossais à bord de ce navire, qui vous envoie personnellement ses respectueux hommages.
    La duchesse en fut bouche bée.
    — A moi ?
    — Il semble que ce personnage haut en couleur se soit battu au côté de votre grand-père à Culloden ; il se souvient très bien de vous et de Mary. Il a insisté pour que je le rappelle à votre bon souvenir, expliqua le duc d'un ton sarcastique. Il m'a confié avec fierté que ce fut un honneur pour lui de protéger une Mc Davanel. (Ayant mis la duchesse hors d'état de poser d'autres questions, le duc reprit la parole avec plus d'assurance :) J'ai rencontré un certain nombre de membres de l'équipage. On dirait que votre fille a fait une certaine impression sur eux.

    — Eh bien, elle paraît avoir fait une certaine impression sur ce Dante Leighton aussi. Cet homme va arriver un de ces jours à Camareigh, n'est-ce pas ? Et je suis supposée l'accueillir à bras ouverts ? Je n'arrive toujours pas à comprendre comment vous pouvez supporter tout cela, Lucien. Il y a autre chose ?
    — Ma chère, je n'ai pas accepté ce mariage, mais pour le moment, je ne peux rien faire de plus. Rhea affirme être amoureuse de lui. Ce dernier m'a fait très clairement comprendre que ma fille me haïrait à jamais si je levais la main sur lui, sans croire vraiment que je le pourrais, du reste, ajouta le duc, qui n'avait pas apprécié cette offense. Il m'a aimablement expliqué que la seule raison pour laquelle il épargnait ma misérable vie était mon lien de parenté avec Rhea. Une bonne opinion de lui-même est l'un des traits les plus marquants de sa personnalité.
    Lady Dominick ferma les yeux en haussant les sourcils.
    — Quelle patience, Lucien ! Devant une telle insolence !
    — Pas tout à fait. J'avais bien l'intention de voir notre fille veuve le soir même. Ce n'est qu'à cause des sentiments de Rhea que j'y ai renoncé.
    La duchesse n'attendait plus que la révélation ultime ; elle ne tarda point.
    — Mère, dit Rhea avec douceur, j'attends un enfant...
    Sabrina Dominick, devenue aussi blanche qu'un linge, considéra sa fille avec désespoir. De grosses larmes roulèrent sur ses joues creusées par la maladie.
    — Mère, êtes-vous mal ?
    — Oh... Ma chère enfant, je suis heureuse que tu sois rentrée, mais il faut que tu me donnes un peu de temps pour saisir tout ce qui t'est arrivé.
    — Je sais, mère, répondit la jeune femme, la voix assourdie. J'avais un peu peur de revenir à Camareigh. Je pensais que vous me trouveriez trop changée... que vous ne pourriez admettre ce qui s'est passé... et que vous ne m'aimeriez pas suffisamment pour...
    — Nous ne t'abandonnerons jamais, Rhea, et nous t'aimerons toujours quoi qu'il soit advenu pendant cette année, assura la duchesse en la prenant dans ses bras comme quand elle était une enfant.
    Lucien et Sabrina Dominick échangèrent un regard par-dessus la tête de Rhea. Pour retrouver la cohésion familiale, ils étaient tous deux prêts à