Les contrebandiers de l'ombre
complot manigancé par une cousine de son père, lady Katherine Anders. Celle-ci avait tenu Lucien Dominick pour responsable de toutes les infortunes qu'elle et son frère jumeau, Percy, avaient subies, parmi lesquelles la mort de Percy à Venise. La malheureuse n'avait pas sa tête à elle.
Rhea se souvint avec un frisson de cette femme qui lui avait si gentiment donné une place dans son carrosse, au cours de cet après-midi pluvieux, quand elle, Francis et ses cousins avaient découvert des chiots abandonnés. Cette femme, dont elle n'avait jamais pu voir le visage, avait organisé sa vengeance dès ce jour-là. Elle voulait d'abord enlever un enfant de Camareigh avant de tuer le duc.
Au dernier moment, elle avait échoué, mais pas avant de mettre la première partie de son plan à exécution et de tuer un vieux fermier, qui avait eu le malheur de lui parler du temps où elle et son frère Percy vivaient au château.
— Quelle horreur pour vous quand elle a envoyé des mèches de mes cheveux et mon anneau pour prouver qu'elle m'avait bien enlevée, s'écria Rhea. Et cette nuit où elle a essayé de vous tuer, père !
— Mais c'est fini, maintenant, coupa la duchesse. Kate est hors d'état de nous nuire dorénavant. Tu es revenue, nous ne parlerons plus de cet enlèvement. Mais vous n'avez pas répondu à ma question à propos de cet individu, Dante Leighton, reprit la duchesse, impitoyable. Je ne comprends pas pourquoi on n'a pas mené une enquête. J'imagine que ce quidam n'a aucune réponse à apporter sur cet enlèvement qu'il a perpétré à Charlestown ?
— Je crains, ma chère, que les choses ne soient pas aussi simples que nous le pensions. Il y a d'autres... facteurs que nous devons prendre en considération, répondit le duc, réticent, surtout parce qu'il avait l'air de défendre Leighton. Toutes les charges retenues contre lui ont été levées.
— Comment ?
— Oui. J'ai eu la même réaction, fit lord Dominick avec une certaine amertume.
— Mère, intervint Rhea, rencontrant brièvement le regard de son père, c'est en partie sur mon témoignage que Dante est libre. J'étais très malade quand je suis montée à bord du Dragon des mers, et j'ai dû m'en tenir à la seule possibilité : partir avec ces gens.
— Bon, mais alors, je ne comprends toujours pas pourquoi ce forban est libre !
— Mais quand nous avons atteint Antigua, je suis volontairement restée à bord, ajouta Rhea en rougissant légèrement. Je suis amoureuse de Dante Leighton, mère.
C'était la dernière nouvelle que la duchesse s'attendait à entendre. Bien qu'étonnée, elle ne semblait pourtant pas alarmée. Mais en voyant son mari intéressé par des fils blancs sur la manche de son manteau, elle subodora que les affaires étaient plus graves qu'elles ne le paraissaient au premier abord.
— Qu'est-ce que vous essayez de me dire, vous deux ? demanda la duchesse avec une lenteur calculée.
— Mère, je vous en prie ! Essayez de comprendre. J'aime Dante et vous l'aimerez aussi quand vous le rencontrerez !
— Ah bon ? Il est là ? demanda lady Dominick avec une stupéfaction amusée, en se dressant pour voir s'il n'était pas caché derrière une tenture.
— Non, il est resté à Londres pour régler ses affaires. L'équipage du bateau a été congédié et ils partagent les prises, expliqua Rhea avec le plus grand naturel. Il viendra après.
La duchesse ferma les yeux un instant.
— Quelques aspects de la question m'échappent encore, je crois. Il doit y avoir une bonne raison pour que vous acceptiez cet écumeur des mers, Lucien. Quelle est cette raison ?
— Croyez-moi, Sabrina, je n'ai pas accepté cet homme, dit le duc, cachant par l'emphase un ton résolument évasif. J'ai simplement et temporairement accepté...
— Mère chérie, Dante est mon mari, coupa Rhea.
Sabrina resta silencieuse un très court laps de temps.
— Lucien ?
— J'ai bien peur que cela ne soit la vérité pure, ma chère. C'était aux Antilles, à l'église, et tout est apparemment légal. Votre gendre, Dante Leighton, y a veillé soigneusement, ajouta le duc avec une aigreur renouvelée.
— Et vous acceptez cela ? demanda la duchesse, incapable de croire que Lucien Dominick acceptât une telle mésalliance. Rhea, mariée à un faquin de capitaine corsaire, un pirate même? Rhea ? Pourquoi ? Je ne comprends pas...
— Mère, je suis désolée, mais une fois que vous aurez vu Dante, je crois que vous comprendrez. Père
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