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Les croisades vues par les arabes

Les croisades vues par les arabes

Titel: Les croisades vues par les arabes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Amin Maalouf
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sur-le-champ le parti qu'il pourrait tirer de la dispute des deux chefs francs. Il a donc libéré Baudouin, lui a offert des vêtements d'honneur et a conclu avec lui une alliance. « Votre fief d'Edesse est menacé, lui a-t-il dit en substance, et ma position à Mossoul n'est guère assurée. Aidons-nous mutuellement. »
Dès qu'il fut libéré, racontera Ibn aI-Athir, le comte Baudouin, al-Comes Bardawil, alla voir « Tancry » à Antioche et lui demanda de lui restituer Edesse. Tancrède lui offrit trente mille dinars, des chevaux, des armes, des vêtements et bien d'autres choses, mais il refusa de lui rendre la ville. Et lorsque Baudouin, furieux, quitta Antioche, Tancrède essaya de le suivre pour l'empêcher de faire sa jonction avec son allié Jawali. Il y eut quelques accrochages entre eux, mais après chaque combat ils se réunissaient pour manger ensemble et bavarder!
    Ils sont fous, ces Franj, semble dire l'historien de Mossoul. Et de poursuivre :
Comme ils n'arrivaient pas à régler ce problème, une médiation fut tentée par le patriarche, qui est pour eux une sorte d'imam. Celui-ci nomma une commission d'évêques et de prêtres qui testifièrent que Bohémond, l'oncle de Tancrède, avant de rentrer dans son pays, lui avait recommandé de rendre Edesse à Baudouin s'il revenait de captivité. Le maître d'Antioche accepta l'arbitrage et le comte reprit possession de son domaine.
    Estimant que sa victoire était due moins à la bonne volonté de Tancrède qu'à sa peur d'une intervention de Jawali, Baudouin a libéré sans tarder tous les prisonniers musulmans de son territoire, allant même jusqu'a exécuter un de ses fonctionnaires chrétiens qui avait publiquement injurié l'islam.
    Tancrède n'était pas le seul dirigeant à s'exaspérer de la curieuse alliance entre le comte et l'émir. Le roi Redwan écrivit au maître d'Antioche pour le mettre en garde contre les ambitions et la perfidie de Jawali. Il lui dit que cet émir voulait s'emparer d'Alep et que, s'il y parvenait, les Franj ne pourraient plus se maintenir en Syrie. L'attachement du roi seldjoukide à la sécurité des Franj est assez cocasse mais, entre princes, on se comprend à demi-mot, par-delà les barrières religieuses ou culturelles. Une nouvelle coalition islamo-franque s'était donc formée pour faire face à la première. D'où, en ce mois d'octobre 1108, ces deux armées qui se font face près des remparts de Tell Bacher.
    Les hommes d'Antioche et d'Alep prennent rapidement l'avantage. Jawali s'enfuit, et un grand nombre de musulmans cherchèrent refuge à Tell Bacher, ou Baudouin et son cousin Jocelin les traitèrent avec bienveillance; ils soignèrent les blessés, leur donnèrent des habits et les ramenèrent chez eux . L'hommage rendu par l'historien arabe à l'esprit chevaleresque de Baudouin contraste avec l'opinion que les habitants chrétiens d'Edesse se font du comte. En apprenant que celui-ci avait été vaincu, et le croyant sans doute mort, les Arméniens de la ville pensent en effet le moment venu de se libérer de la domination franque. Si bien qu'à son retour Baudouin trouve sa capitale administrée par une sorte de commune. Inquiet des velléités d'indépendanœ de ses sujets, il fait arrêter les principaux notables, dont plusieurs prêtres, et ordonne de leur crever les yeux.
    Son allié Jawali aurait bien voulu agir de même avec les notables de Mossoul, qui ont eux aussi profité de son absence pour se révolter. Il doit cependant y renoncer, car sa défaite a achevé de le discréditer. Son sort est désormais peu enviable : il a perdu son fief, son armée, son trésor, et le sultan Mohammed a mis sa tête à prix. Mais Jawali ne s'avoue pas vaincu. Il se déguise en marchand, arrive au palais d'Ispahan et vient soudain se courber humblement devant le trône du sultan en portant son linceul à la main. Emu, Mohammed accepte de lui pardonner. Quelque temps après, il le nomme gouverneur d'une province en Perse. 
    Quant à Tancrède, la victoire de 1108 l'a porté à l'apogée de sa gloire. La principauté d'Antioche est devenue une puissance régionale que craignent tous ses voisins, qu'ils soient turcs, arabes, arméniens ou francs. Le roi Redwan n'est plus qu'un vassal terrorisé. Le neveu de Bohémond se fait appeler « le grand émir »! 
    Quelques semaines seulement après la bataille de Tell Bacher, qui consacre la présence des Franj en Syrie du Nord, c'est au tour du royaume de Damas de

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