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Les Dames du Graal

Les Dames du Graal

Titel: Les Dames du Graal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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toutes les hésitations et incertitudes des conteurs que si la treizième revient, c’est encor la première . D’après le récit gallois, la Porteuse de Graal, même si elle partage avec une autre fille le soin du plateau où une tête d’homme baigne dans son sang, image du Graal dans cette version, peut apparaître sous différentes formes et différentes identités au cours de la quête qu’entreprend le héros. Cette constatation a incité Charles Méla, dans son ouvrage La Reine et le Graal , à subodorer que derrière l’image de la Porteuse de Graal se profilait le visage énigmatique de Morgane. Mais sans aller si loin, du moins dans l’immédiat, on peut prétendre en toute logique que cette fille qui tient le Graal entre ses mains est un des aspects, une des incarnations, de la Femme souveraine, maîtresse des destins, cette Pistis Sophia de la tradition gnostique toujours présente dans l’inconscient collectif, et qui tente, à sa façon, de reprendre sa place perdue du fait de l’usurpation du dieu mâle et de refaire le monde en y projetant de nouvelles forces vitales.
    Dans tous les récits du Graal, cette porteuse d’un « saint » objet, quel qu’il soit, est unanimement reconnue comme la fille du Roi Pêcheur, et ultime descendante d’une lignée sacrée, celle qui remonte à Joseph d’Arimathie et même à Salomon. Cette lignée peut être justifiée par une certaine lecture, dans les manuscrits, du mot sangréal décomposé en sang et réal , comprise comme un « sang royal ». Le récit gallois affirme sans ambiguïté que le Roi Pêcheur est l’oncle (en fait, l’un des oncles) du héros Peredur-Perceval, et tous les autres textes français suggèrent cette même parenté. Mais est-ce ce Peredur-Perceval qui est le héros attendu, celui qui doit guérir le Roi Pêcheur blessé et devenir à son tour gardien du Graal ? Si l’on s’en tient aux versions les plus anciennes, la réponse est affirmative. Mais le personnage de Peredur-Perceval-Parzival a fini par apparaître comme singulièrement « païen » et trop chargé d’éléments sulfureux. C’est pourquoi le récit de Gautier Map, où l’influence cistercienne se fait fortement sentir, lui a substitué un autre personnage, Galaad, le double mystique de Lancelot, le meilleur chevalier du monde, un chevalier débarrassé, comme le dit le texte, de son échauffement de luxure .
    Mais alors, tout se complique. Avec qui Lancelot allait-il donner naissance à l’Élu ? Avec Guenièvre, son seul amour ? Cela eût été la reconnaissance officielle de la légitimité de l’adultère. Il fallait trouver autre chose. Et l’on a trouvé. Puisque la fille du Roi Pêcheur est la descendante d’une lignée sacrée et que Lancelot lui-même appartient à cette même lignée, le héros du Graal, pur et sans tache, ne pouvait naître que de l’union de ces deux êtres, l’un « échauffé » mais quand même le meilleur chevalier du monde, l’autre, la vierge , la pure, celle qui, selon Wolfram von Eschenbach, pour respecter la nature du Graal, « devait être exempte de toute fausseté ». C’était en quelque sorte reprendre le schéma de la procréation de Merlin, fils d’un démon incube, dont il héritait des pouvoirs magiques, et d’une pure jeune vierge par laquelle il acquérait la sagesse divine.
    Tout cela en théorie, bien entendu, car les événements, tels qu’ils sont décrits, sont loin de baigner dans la quiétude et le respect de l’ordre moral.
    Certes, toutes les précautions sont prises pour rendre cette situation tolérable. Conduit par une femme dont on ne connaît pas le nom, mais qui est en quelque sorte son introductrice, Lancelot arrive dans la forteresse de Corbénic dont le maître est Pellès, le Roi Pêcheur. La première chose qu’il voit, c’est une jeune fille plongée dans une eau qui semble bouillir. Et cette jeune fille le supplie de la délivrer de son terrible supplice. « Lancelot la saisit par les bras et la tira aussi facilement qu’une botte de paille. » Cela, personne avant lui n’avait pu le faire, pas même le preux Gauvain. On comprend donc qu’il est prédestiné et que sa venue à Corbénic n’est pas due au hasard. C’est alors que les habitants du lieu emmènent Lancelot vers le cimetière et lui demandent de satisfaire à une autre épreuve : soulever la dalle d’une tombe, ce qu’auparavant personne n’a réussi à faire. Or, sur la dalle, on peut

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