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Les Décombres

Les Décombres

Titel: Les Décombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lucien Rebatet
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armé. Tous mes amis vont se battre. Je demande à être relevé et envoyé dans un corps de troupe.
    — Non, je ne vous autorise pas. On ne peut pas se promener tous les quinze jours dans une nouvelle direction.
    — Mon capitaine, une mutation de plus ou de moins…
    — Non, le 5 e   Bureau n’est pas un moulin. J’aimerais bien, moi aussi, partir dans un bataillon de dragons portés. D’ailleurs, je vous le redis, je vais avoir besoin de vous d’ici peu, et si vous voulez du risque, vous serez servi.
    L’affaire roumaine est plus urgente que jamais. Elle va être sur pied d’ici une ou deux semaines. Et puis, ne vous emballez pas. Nous ne sommes qu’au début de l’affaire, dit-il en me montrant la Belgique sur la carte. On ne sait pas comment les choses vont tourner par là.
    * * *
    Le ministère Reynaud s’enrichissait des sieurs Louis Marin et Ybarnegarray, gigantesques causes, petits effets dérisoires. La démocratie embauchait deux tambours ramollis. C’était le plus grand effort qu’elle pût pour se hausser à la hauteur du drame. Le choc colossal trouverait côte à côte les vieux bérets de la réaction bourgeoise et la fine fleur de mai 1936.
    À Londres, mélancolique porte-parapluie, Chamberlain disparaissait, laissant la place entièrement libre à Churchill.
    L’ Action Française écrivait dans une manchette historique :
    « LA GUERRE DES NERFS EST FINIE : L’AUTRE COMMENCE.
    Les Boches croyaient nous abrutir en nous réveillant en sursaut après huit mois de sommeil.
    Quelle erreur ils ont commise !
    La question du moral est résolue.
    Les troupes s’élancent avec enthousiasme dans l’espace ouvert pour la guerre de mouvement.
    Toute la France, entrevoyant la victoire, crie :
    ENFIN ! »
    Toutes les indécences et toutes les plus criminelles bêtises étaient ainsi ramassées en dix lignes : des septuagénaires criant de joie quand des centaines de milliers de jeunes hommes allaient mourir, l’immonde folie de la charge, le colonel de Grandmaison, en avant, tant pis pour qui tombe, il y a la goutte à boire, Rosalie au canon.
    Aristote, Platon, Minerve, Joseph de Maistre, tous les dieux du plus haut Olympe, de la politique et de la philosophie, finiraient toujours, chez ces vieillards, par tomber au garde-à-vous devant un caporal clairon de zouaves. C’était indigne de Maurras, mais Maurras avait approuvé, contresigné, convaincu de faire ainsi son coup de feu sur le rempart.
    Il n’avait point manqué non plus une aussi belle occasion d’afficher son fameux sang-froid. Son premier article, après l’offensive, commençait par ces mots :
    « Vendredi matin – devant ce tableau des dépêches que l’on voudrait nous induire à appeler printing, comme s’il y avait un intérêt quelconque, même pour les meilleurs amis de l’Angleterre, à parler anglais en français, à dire handicap pour inégalité, et turf au lieu de gazon… »
    [* * *]
    Dans la matinée du samedi, j’arpentais la cour du 5 e Bureau, à la recherche de quelque prétexte pour bouger un peu, échapper à l’insanité de mes passeports pour pays qui n’existaient plus ou que tenaient les troupes françaises.
    Un officier m’interpella. C’était le capitaine L. T… Je l’avais déjà remarqué pour son importance et son extrême agitation.
    — Dites-moi, me demanda-t-il, je vois que vous portez un béret et des molletières bleues. Est-ce vous qui venez de l’armée des Alpes ?
    Sur ma réponse :
    — Ah ! ah ! c’est très intéressant. Que faites-vous dans le civil ?
    Je lui expliquai brièvement mon travail àl’ Action Française et à Je Suis Partout.
    —  Mais c’est parfait ça ! Bravo. Je me suis séparé de l’ Action Française sur certains points, mais je l’ai toujours estimée. C’était vous qui signiez « l’Alpin » cet hiver ? Très bien, amusant, et excellent esprit. Vous êtes mon homme. J’ai besoin de quelqu’un de sérieux et de sûr. Je dirige ici la section italienne. Gardez pour vous ce que je vous dis : il se peut que l’Italie nous déclare la guerre d’un moment à l’autre. Nous avons de la besogne par-dessus la tête, nous n’y arrivons plus. Vous savez rédiger, n’est-ce pas ? Je vous prends avec moi. C’est un travail d’officier que je vous donne. Mais je pense que vous en serez capable. Vous appartenez au capitaine V… ? Aucune importance. Je vais régler ça avec lui en une minute. Il vous prêtera à

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