Les Décombres
sages, le cafard les saints, tandis que les voleurs pillent avec furie.
Quel réveil au grand jour qui se lèvera d’un coup ! Mais je suis un de ceux qui portent une lampe. Rallumons-là, puisqu’il en est temps encore. Elle est crue. Ce qu’elle nous montre est hideux, sinistre. C’est la vérité. Réfléchissons-y. Elle en vaut la peine.
Puis, sans détours, je dois dire que j’ai encore quelques comptes à régler, le fond de mon sac à vider. Je ne veux pas attendre à demain. Nous aurons tant d’autres choses à faire, sans doute !
Les souvenirs des jours de honte sont cruels aussi à remâcher. Cependant, je ne suis pas désespéré. Mais après avoir dépeint tant d’ignominies, passées et présentes, pour échapper au désespoir, il faut regarder devant soi.
LA RELIGION CHRETIENNE
Elle mérite bien de tenir dans nos pensées la première place.
Nous sommes peut-être d’outre-tombe. Mais nous sommes sûrement des vivants. Nous avons ainsi droit de regard sur toutes choses de notre vie. La religion chrétienne en est une.
Nous avons la foi, ou nous ne l’avons plus, ou nous ne l’avons jamais eue. Il ne s’agit pas de cela ici. Restons sur terre, dans nos gros souliers, qui ne sont pas des souliers de séminaristes. Bouchons nos oreilles, oh ! surtout, bouchons-les, aux primats, aux impératifs mystiques. On arguera contre nous, on dogmatisera, on anathématisera. Laissons faire. Ces vapeurs d’encensoirs et d’autodafés cachent des facéties comiques, amères ou tragiques, conscientes ou inconscientes. N’allons pas là-bas. Nos yeux brouillés ne distingueraient plus rien. Nous serions perdus pour notre tâche.
La destruction ou la survivance des régimes parlementaires n’ont rien à voir avec la psychostasie.
Nous avons assez connu de quidams grimpant sur un tremplin métaphysique, pour nous révéler de là que le sang de vingt Abyssins ou de trois Juifs était odieux au Seigneur, qu’il appelait sur les meurtriers le courroux de sa droite, tandis que celui de cent mille Français faisait monter jusqu’à Lui les odeurs du plus délectable holocauste.
Nous avons assez vu d’escrocs au surnaturel multiplier leurs tours, un catéchisme d’une main, un bulletin de vote dans l’autre, élire des députés au nom des Saintes Espèces, acoquiner Jésus-Christ avec des comitards. Assez vu d’archevêques sanctifier les guerres des marchands de conserves et des trusts pétroliers.
N’oublions pas non plus que, dans ces sortes d’affaires, les apôtres naïfs sont infiniment plus dangereux que les simulateurs conscients.
La religion a pour but le salut des âmes. Plût aux cieux qu’elle n’en eût jamais poursuivi d’autres ! Elle ne s’en est point contentée, ce qui nous surprend peu. Cela est de tous les siècles, et les Églises sont aussi humaines. Mais ce qu’elles touchent et tranchent nous regarde. Elles redeviennent notre gibier.
Il est facile de remettre en brillant feuilleton la Volonté de puissance, de battre les grosses caisses du blasphème autour des évangiles, de vomir son dégoût de mâle sur la pitié galiléenne, afin de faire dévorer ses livres par les dévots, comme on les fait dévorer par les femmes en les insultant. Essayons d’être plus sérieux.
Ne remontons pas aux origines et aux apôtres. La religion chrétienne vit et agit parmi nous. Elle agit et vit mal. Tout est là.
Elle est vraiment devenue, catholique ou protestante, le dernier réceptacle des droits de l’homme et du citoyen. L’essence même du dogme, les distinctions du bien et du mal, les principes de charité et de justice se sont profondément identifiés avec les articles de la foi égalitaire. Nietzsche l’a bien dit : « La Révolution Française est la fille et la continuatrice du christianisme. »
Je ne pense pas qu’il soit utile d’en pousser loin la démonstration, après les deux seuls pontificats qui aient compté depuis soixante ans dans l’Église catholique, celui de Léon XIII et celui de Ratti, après le démocratisme biblique des Anglo-Saxons, la carrière des sociaux-chrétiens allemands.
À mesure que la juiverie follement émancipée a repris corps, elle a trouvé son appui naturel dans la démocratie, pour la dominer bientôt. L’Église catholique ne pouvait plus manquer de subir la contamination. Celle-ci a d’abord été larvée, arrêtée par l’anticléricalisme dreyfusard. Dans les dix dernières années, le mal est devenu
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