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Les derniers jours de Jules Cesar

Les derniers jours de Jules Cesar

Titel: Les derniers jours de Jules Cesar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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les os de son repas. Voilà pourquoi il doit mourir ! »
    Personne ne répliqua. Ni Casca, nommé préteur l’année
précédente ; ni Cassius Longinus, que César avait accueilli parmi les
officiers de son armée après qu’il l’eut combattu à la bataille de
Pharsale ; ni Ligarius, gracié à deux reprises ; ni Decimus Brutus,
qui serait bientôt gouverneur de la Cisalpine, ni aucun autre.
    Marcus Junius Brutus, qui aurait peut-être pu parler, garda
le silence parce qu’il sentait qu’on le regardait par un trou dans le plafond,
œil investigateur, scintillant d’une lumière presque folle.
    Il savait à qui cet œil appartenait.
    À Portia, son épouse, la fille de Caton, le héros
républicain qui s’était suicidé à Utique, refusant la clémence du tyran. Portia
à qui il avait voulu tout cacher et qui avait deviné puis appris ce qu’il
ourdissait.
    Il se rappelait ce qui s’était produit quelques jours plus
tôt. Elle lui était apparue en pleine nuit, alors qu’il veillait, bouleversé,
tourmenté par ses propres pensées, ses remords et ses cauchemars, ses doutes et
ses peurs. La porte de son cabinet était ouverte et il avait vu sa femme venir
vers lui depuis l’autre côté de l’atrium. Pieds nus, elle semblait flotter dans
l’air, elle se déplaçait comme un fantôme, blanche dans la clarté de l’unique
lampe.
    Elle était splendide. Elle portait une robe de nuit légère,
ouverte sur les côtés. Chacun de ses pas découvrait ses cuisses blanches,
parfaites, ses genoux ronds d’adolescente.
    Les yeux emplis d’une exaltation qui confinait à la folie,
elle brandissait un stylet.
    « Pourquoi me caches-tu tes projets ?
    — Je ne te cache rien, mon amour.
    — Ne mens pas, je sais que tu me caches quelque chose
d’important.
    — Je t’en prie, ne m’ennuie pas.
    — Je sais pourquoi. Je suis une femme. Tu penses que je
révélerais le nom de tes compagnons si j’étais soumise à la torture. Je me
trompe ? »
    Brutus avait secoué la tête pour dissimuler ses yeux
brillants.
    « Je suis forte, tu sais. Je suis la fille de Caton et
j’ai le même caractère que lui. Je résiste à la souffrance. Personne ne
pourrait m’obliger à parler. »
    Le stylet brillait dans sa main, telle une gemme maudite.
Brutus le contemplait, envoûté.
    « Regarde ! », s’était exclamée Portia avant
de retourner le stylet contre elle. Brutus avait crié :
« Non ! » en s’élançant, mais la femme avait déjà planté
l’instrument dans sa cuisse gauche. À la vue du sang, il était tombé à genoux.
Il avait saisi l’arme, s’était approché et avait léché, en pleurs, cette plaie
sanguinolente.
    La voix de Trebonius l’arracha à sa rêverie. « Le jour
du règlement de comptes n’a pas changé : les ides de mars ! »

 
Chapitre VIII
    In
Monte Appennino, taberna ad Quercum, a.d. VI Id. Mart.,
    hora
duodecima
    Monts
de l’Apennin, taverne Au chêne, 10 mars,
    cinq
heures de l’après-midi
     
    L’homme à la cape grise se présenta hors d’haleine sur une
monture épuisée, les yeux écarquillés sous l’effet de la terreur, tandis que se
succédaient les éclairs et des coups de tonnerre si forts que la montagne
semblait trembler tout entière. Un vent rageur sifflait parmi les branches nues
des chênes centenaires, leur arrachant à chaque rafale des feuilles mortes
qu’il déversait en tourbillonnant au fond de la vallée. Les cimes enneigées se
détachaient à grand-peine sur le ciel obscur.
    Il vit l’auberge se dresser devant lui, derrière un virage,
et cabra son cheval pour éviter de s’écraser contre la porte de l’enceinte
qu’on avait fermée en raison de l’orage et de la nuit. Un éclair zébra le ciel,
projetant la silhouette du cavalier et du cheval sur le sol que des gouttes de
pluie piquetaient déjà. L’air était imprégné de poussière et de l’odeur
métallique des éclairs qui brûlaient la voûte du ciel.
    L’homme sauta à terre et frappa à la porte avec le pommeau
de son épée. Près du bâtiment, le vieux chêne qui lui donnait son nom étendait
ses grandes branches noueuses jusqu’au toit.
    Un palefrenier ouvrit. Il saisit aussitôt le cheval par les
rênes et le recouvrit d’un drap.
    L’homme à la cape grise entra et verrouilla la porte comme
s’il était chez lui. Il se dirigea ensuite vers l’auberge, tandis que la pluie
commençait à ruisseler, remplissant en quelques instants toutes les

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