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Les derniers jours de Jules Cesar

Les derniers jours de Jules Cesar

Titel: Les derniers jours de Jules Cesar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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avait mis fin aux guerres civiles, il avait proposé à tous ses adversaires
une réconciliation, il considérait que l’Urbs, Rome, et l’ Orbs, le
monde, ne devaient faire qu’un, que la civilisation dont Rome constituait le
cœur, la force, était la seule capable de gouverner le genre humain. Il comprenait
ses ennemis, les peuples qui s’étaient battus pour sauver leur indépendance, il
en avait admiré le courage, mais il estimait également que la victoire des uns
sur les autres était écrite dans le destin.
    À plus d’une reprise, Publius avait eu l’occasion de lui
parler, et il avait toujours été fasciné par l’expression de ses yeux, par le
sens de détermination et de maîtrise qui émanait de lui. Le regard d’un
prédateur, non d’un sanguinaire. Il était même persuadé que le sang le
répugnait.
    Combien de fois avait-il marché à ses côtés ! Il
l’avait vu passer à cheval, s’adresser aux officiers, aux soldats, reconnaître
ceux qui s’étaient distingués lors d’une rude journée, sauter à terre pour les
saluer, échanger quelques mots avec eux. Surtout, il se rappelait le soir de la
bataille contre les Nerviens, quand on l’avait ramené, lui, Publius Sextius de
la XII e  Légion, au campement sur une civière, mourant,
ruisselant de sang, mais victorieux, après s’être rué, étendard au poing, vers
l’ennemi, avoir réorganisé les manipules, encouragé les hommes et donné
l’exemple.
    César lui avait rendu visite sous la tente, tandis que les
chirurgiens s’employaient à le recoudre à la lueur de quelques lampes à suif.
Il avait collé la bouche à son oreille.
    « Publius Sextius.
    — Général…
    — Aujourd’hui tu as sauvé tes compagnons. Sans toi, ils
auraient été massacrés par milliers, et un travail de nombreuses années aurait
été anéanti en un instant. Tu as sauvé également ma personne ainsi que
l’honneur de la République, du peuple et du sénat. Il n’existe pas de
récompense pour un acte de ce genre, mais si cela peut avoir un sens pour toi,
sache que tu seras toujours mon homme de confiance. »
    Il avait observé son corps martyrisé. « Que de
blessures…, avait-il murmuré. Que de blessures… »
    Publius Sextius se demandait pourquoi ces mots revenaient le
hanter dans ce moment de solitude totale, pendant cette marche nocturne parmi
les bois déserts de l’Apennin, au milieu d’une tourmente de neige.
    Devant lui, l’énigmatique Sura avançait au pas, sa torche à
la main, jetant sur la neige immaculée un reflet rougeâtre et laissant derrière
lui les empreintes de son cheval robuste et patient qui gravissait pas à pas le
sentier tortueux, sous les branches squelettiques des hêtres et des chênes.
    De temps en temps, il se disait qu’on avait pu le précéder
pour lui tendre un piège, que Sura le conduisait peut-être dans une embuscade
dont il ne réchapperait pas, que son message n’arriverait jamais à destination.
Mais il se rappelait ensuite l’aubergiste qui lui avait conseillé avec
insistance de passer la nuit à la mansio, en sécurité, sous la
surveillance de quatre légionnaires, dont Bebius Carbon, de la XIII e .
Où l’aube du nouveau jour le surprendrait-elle ?
    Sura alluma une deuxième torche et lança dans la neige le
bout de la première qui brilla quelques instants avant de s’éteindre dans
l’obscurité. Étonné par cette lumière subite, un oiseau s’envola en poussant un
cri et disparut au fond de la vallée.
    Le vent s’était calmé. Il n’y avait plus de bruit ni de
signe de vie. Les quelques bornes qui marquaient le sentier étaient recouvertes
de neige. Il ne restait à Publius Sextius que les mots de César, répétés à
l’infini dans son esprit vide et seul : « Que de blessures… Que de
blessures… »

 
Chapitre IX
    In
Monte Appennino per flumen secretum, a.d. VI Id. Mart.,
    secunda
vigilia
    Monts
de l’Apennin, fleuve secret, 10 mars,
    dix
heures du soir
     
    Mustela se débattait dans les ondes tourbillonnantes du
torrent souterrain ; emporté par les flots, il était submergé et devait
retenir son souffle avant de dresser la tête hors de l’eau, cracher ce qu’il
avait avalé et respirer.
    La douleur l’accablait chaque fois que le courant le
projetait contre les rochers, le blessant cruellement. À plus d’une reprise il
eut l’impression de s’évanouir, à plus d’une reprise il se cogna la tête si
violemment qu’il crut

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