Les derniers jours de Jules Cesar
direction du pont
Fabricius et reconnut Marc Antoine. Un domestique avait pris sa place dans la
litière.
L’aide de camp traversa à son tour le pont, désormais
certain de sa destination : la villa de César, sur l’autre rive du Tibre,
la résidence de Cléopâtre ! Antoine s’y rendait seul, dans l’obscurité,
vêtu comme un esclave.
Un aboiement retentit. Une porte s’ouvrit sans grincer et
l’homme entra. Les chiens se turent aussitôt. Juste après, la ronde qui
surveillait le périmètre du parc jaillit du coin ouest.
Voilà que, en un instant, nombre des soupçons de Silius se
confirmaient et que s’effondraient nombre d’hypothèses qu’il eût soutenues farouchement
si l’occasion s’en était présentée.
Il fallait qu’il réintègre la Domus, rapporte la
nouvelle à César, revienne avec un groupe d’hommes qui relèveraient les gardes,
occuperaient les entrées et lui permettraient de pénétrer sans obstacles dans
la villa et les appartements de la reine afin de l’épier. Cela requerrait
toutefois trop de temps. Il importait de découvrir au plus vite ce qui se
passait dans cette demeure.
Il enjamba le mur d’enceinte et, une fois dans le jardin,
gagna la villa sans difficulté, les chiens étant sans doute occupés avec le
nouvel arrivé. Il contourna prudemment le bâtiment. Les lieux lui étaient
familiers car il les avait visités avec César, mais ils constituaient une
véritable forteresse. Antoine y était entré par une petite porte latérale au
moyen d’une clef et, si les chiens s’étaient calmés, c’était de toute évidence
parce qu’ils le connaissaient.
Les entrées principales étaient gardées. Une ronde
surveillait le périmètre.
Silius remarqua, à l’ouest du bâtiment, dans le quartier des
services, le conduit de cheminée d’un four, ainsi que, sur le mur, des
renfoncements laissés par l’enlèvement des poutres d’un échafaudage destiné à
l’entretien. Il évalua le temps qui séparait deux rondes et se hissa, pieds
nus, jusqu’au sommet. Il traversa le plus discrètement possible la partie du
toit recouverte de tuiles pour aborder la terrasse. Le péristyle s’étendait sur
la droite. L’aide de camp pouvait entendre le gargouillement monotone des
fontaines dans le jardin intérieur. Plus loin, se trouvait l’ impluvium de l’atrium. Au milieu, les appartements de maître. Il se rappela que de petits
thermes occupaient l’autre côté de la maison et songea qu’ils ne devaient pas
être surveillés. Il rebroussa chemin et gagna la partie en question, puis se
laissa glisser sur le premier niveau en terrasse jusqu’à la coupole du lacunicum, le bain de vapeur, ouvert au centre pour permettre aux fumées des braseros
de s’échapper. Il ôta quelques plaques de terre cuite à l’aide de son poignard
et sauta. Par chance, il atterrit sur un tas de cendres et, de là, sur le sol.
Il était à l’intérieur !
La reine occupait sans doute l’appartement d’hiver situé
contre le calidarium afin de bénéficier de la chaleur que diffusaient
les fours de chauffage. Habituée au climat égyptien, elle détestait les
journées froides et humides de l’hiver romain.
Silius avança à tâtons dans l’obscurité en essayant de se
remémorer le plan de la maison, attiré par une faible clarté produite par une
lampe dans une pièce voisine. Il veillait surtout à ne pas trébucher : la
demeure étant plongée dans le silence, tout bruit eût provoqué un remue-ménage.
Il atteignit le calidarium qu’un étroit couloir
reliait au laconicum et s’arrêta à la limite de l’appartement de la
reine.
Il colla l’oreille au mur et entendit des voix, une
conversation.
De la pointe de son poignard, il gratta prudemment le
mortier qui unissait deux segments de conduit : il savait bien que, s’il
pouvait entendre des voix, leurs propriétaires pourraient entendre le bruit
qu’il produisait. Il transpirait abondamment sous l’effet de la tension et de
l’impatience, mais la perspective d’une découverte extraordinaire le plongeait
dans un état de grande animation, voire d’ivresse.
Il ficha la pointe de son arme dans la terre cuite et élargit
le trou. À présent, les voix étaient parfaitement audibles.
Les voix d’un homme et d’une femme.
L’homme n’était autre qu’Antoine.
La femme s’exprimait en latin avec un fort accent grec.
Il s’agissait de Cléopâtre.
« Je te serai éternellement
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