Les derniers jours de Jules Cesar
soir et je ne crois pas qu’il ait envie de se
mettre aux fourneaux. »
Tandis que Publius Sextius fouillait parmi les morceaux de
pain sec et les croûtes de fromage, le garde alla se présenter à l’officier
responsable du poste. « Il y a là un centurion de la XII e qui
est très pressé et qui a besoin d’argent pour le passage. C’est sans doute
l’homme que nous attendions, tu ne crois pas ?
— Oui, c’est sûrement lui. Dis-lui que je l’attends et
amène-le ici. »
Le garde surprit Publius Sextius en train de grignoter un
quignon de pain avec un bout de fromage et de boire quelques gorgées d’eau.
« Le responsable veut te voir immédiatement, centurion.
Suis-moi. »
L’attitude de l’homme, son ton et l’expression de son visage
intriguèrent Publius, qui pensa aussitôt à un piège.
« Le commandant veut te voir tout de suite, répéta le
garde. C’est important. »
Publius fut certain qu’on s’apprêtait à l’arrêter, peut-être
même à le tuer. Il se tourna vers le râtelier des chevaux. L’un d’eux était
bridé et sellé. Sans attendre, il sauta sur son dos et l’éperonnera.
« Hé, que fais-tu ? s’écria le garde. Fermez la
porte, vite ! »
Attiré par ses cris, l’officier apparut sur le seuil du
poste de commandement. Il hurla à son tour : « Arrêtez-le ! »
Deux serviteurs tentèrent de fermer la porte, mais il était
évident qu’ils n’en auraient pas le temps. L’officier lança encore :
« Attends, il faut que je te parle ! »
Publius Sextius ne l’entendit pas, ces mots étant couverts par
le grondement des sabots du cheval sur le sol.
Un archer de garde posté sur la tourelle qui dominait la
porte d’entrée songea à un voleur de chevaux en fuite. Voyant l’homme et
l’animal s’éloigner, il encocha une flèche et visa. L’officier hurla :
« Non, ne tire pas ! » Trop tard : le projectile se planta
dans l’épaule de Publius. Il sembla sur le point de s’effondrer, mais il se
ressaisit et poussa son cheval au galop.
L’officier de la mansio pesta contre son subalterne
qui avait blessé un homme de Jules César et envoya un détachement à sa
recherche. Or, le centurion s’engagea à la faveur de l’obscurité dans un
sentier latéral et se dissimula au milieu d’un bois d’ifs, de ronciers et de
pinastres. Il entendit malgré la pluie ses poursuivants passer au galop tout
près de lui et s’évanouir au lointain.
Restait la douleur, aiguë.
La flèche s’était fichée dans le muscle et l’avait
transpercé. Il coupa la tige à l’aide de son poignard, puis dégaina son épée et
appuya le plat de la lame contre le bout. Après quoi il saisit une grosse
pierre et tapa dessus afin de faire ressortir le dard. Il se banda avec un
lambeau de sa cape, les dents serrées, reprit son voyage en direction du
fleuve. Il avança prudemment en s’immobilisant de temps à autre pour écouter.
Enfin, il déboucha dans une clairière herbeuse qui s’achevait sur la rive. Non
loin de là, sur la droite, se trouvait une crique où le bac se balançait, au
milieu de plusieurs bateaux. L’un d’eux était assez grand pour l’emmener avec
son cheval. Il lança au batelier :
« L’ami, il faut que tu me conduises à Rome au plus
vite, mais je n’ai pas un as. Je suis un centurion de la XII e et je
te jure sur ma parole que tu seras payé à l’arrivée deux fois le tarif. Le cas
échéant, tu garderas mon cheval. Qu’en penses-tu ? »
L’homme s’empara de la lampe qui était fixée à la proue de
son embarcation et la brandit sous son visage. « Je pense que tu fais peur
à voir et qu’il faut que quelqu’un prenne soin de toi. Ou tu y laisseras ta
peau.
— Conduis-moi à Rome, l’ami, et tu ne le regretteras
pas.
— Un centurion de la XII e as-tu dit ?
Je t’emmènerais gratuitement si je n’avais pas de famille à nourrir… Monte. On
part. »
Publius Sextius ne se le fit pas dire deux fois. Il mena son
cheval par les rênes sur la passerelle et l’installa à bord en attachant son
harnachement au mât et aux parapets. Le batelier ôta la passerelle, lâcha les
amarres, et l’embarcation glissa sur le courant. Ivre de fatigue et brûlant de
fièvre, Publius Sextius descendit en titubant dans la cale.
Il s’allongea sur un tas de filets et, couvert de sa cape,
plongea dans le sommeil.
À la mansio, l’officier voyant revenir ses hommes
bredouilles leur lança, furibond :
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