Les derniers jours de Jules Cesar
cheval qu’il lui laissait et celui
qu’il achetait, et il put donc s’élancer vers la rive du Tibre, au-delà de la
via Cassia, où il embarquerait.
Sa mission était presque terminée, il le sentait. Bientôt,
il délivrerait son message et se rendrait auprès de César pour lui faire son
rapport.
Mais soudain, alors que le soleil se couchait derrière les
collines, un cavalier armé d’une épée apparut au milieu de la route, lui
barrant le passage.
Le centurion songea d’abord à rebrousser chemin, puis se
ravisa : jamais il ne s’était dérobé au cours de son existence, et la
curiosité le tenaillait. Oui, il était curieux de découvrir qui osait s’opposer
seul à Publius Sextius. Traître ou ennemi, quel qu’il fût, il méritait d’être
affronté. Il mit sa monture au pas, dégaina son épée et avança au centre de la
voie. Le cavalier l’imita. Quand ils ne furent plus séparés que par une
cinquantaine de pieds, Publius s’immobilisa. « Qui es-tu ? Que
veux-tu ?
— À quoi bon savoir qui je suis alors que tu es sur le
point de mourir ?
— Pure curiosité.
— Sergius Quintilianus. Ce nom te dit-il quelque
chose ? »
L’homme s’était arrêté. Il tentait de retenir son étalon qui
soufflait et piaffait à la vue de celui de Publius Sextius. Il finit par
rejoindre son adversaire. « Pharsale, ajouta-t-il. Ce nom te rafraîchit-il
la mémoire ?
— Oui. Je m’en souviens. Je t’ai épargné sur le champ
de bataille.
— Après avoir tué mon fils qui s’était dressé devant
toi pour défendre son père blessé.
— Impossible de freiner la fougue du combat, d’établir
des distinctions. Quand je m’en suis rendu compte, j’ai préféré ne pas
m’acharner. Laisse-moi passer, chacun de nous a ses cauchemars.
— Tu aurais dû me tuer. En me laissant la vie sauve, tu
m’as infligé une blessure incurable, tu m’as doublement humilié.
— Tu aurais pu te suicider. Tu ne manquais pas d’armes.
— J’ai failli le faire, Publius Sextius, mais au cours
de ce bref instant de réflexion, la force de la haine l’a emporté. J’ai décidé
de vivre et de te tuer. Après une longue attente, la fortune vient enfin de me
récompenser. »
Il indiqua le soleil qui touchait presque, à l’horizon, le
contour des collines. « Avant qu’il ait disparu, ton sang aura apaisé les
mânes de mon garçon.
— Je dois aller à Rome. Si tu essaies de m’en empêcher,
je serai obligé de te tuer.
— Alors utilise ton épée ! », s’écria Sergius
Quintilianus, qui éperonna sa monture.
Sans se laisser surprendre, Publius poussa son cheval en
avant. Les deux hommes se heurtèrent avec une grande violence. Leurs épées se
croisèrent dans un fracas assourdissant en libérant des étincelles. Sergius
tenta par trois reprises d’enfoncer la sienne dans le cœur de son adversaire.
N’y parvenant pas, il rebroussa chemin pour retourner à la charge. Publius
l’évita au dernier moment et le frappa au côté gauche à l’aide de son bâton.
Sergius accusa le coup. Il s’immobilisa, le buste contracté
par la douleur. Il constituait ainsi une proie facile, mais le centurion
préféra retenir son cheval. Sergius Quintilianus repartit à l’attaque. Il
feignit d’assener à son adversaire un coup à l’aine pour pointer ensuite son
épée contre son sternum. Publius Sextius évita l’assaut de peu, mais la lame de
son ennemi rouvrit la blessure qu’il s’était faite en tombant dans le ravin. La
douleur était maintenant brûlante, aiguë.
Elle réveilla sa férocité. Brandissant épée et bâton, il
fondit sur Sergius Quintilianus avec une puissance dévastatrice. L’homme se
défendit, animé de toute sa fureur et de toute sa haine. Il reprit de l’élan et
visa le cou du centurion. Prévoyant sa manœuvre, celui-ci se baissa puis lui
infligea en tournoyant une profonde blessure au côté. Sergius Quintilianus
chuta et son cheval, emballé, poursuivit sa course. Publius Sextius mit pied à
terre et s’approcha. Son adversaire haletait pitoyablement, la main pressée sur
sa blessure.
« Cette fois, tue-moi, dit-il. Je suis un soldat comme
toi. Ne me laisse pas macérer dans mon sang.
— Tu peux encore avoir la vie sauve. J’enverrai
quelqu’un te chercher. Il est possible de vivre sans haine, sans rancœur, sans
férocité. Nous devons oublier ce qui s’est produit, sinon nous mourrons
tous… »
Mais son adversaire avait déjà
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