Les derniers jours de Jules Cesar
Silius ?
— Hélas, non.
— Et de Publius Sextius ?
— Non plus. Je pensais envoyer un message au relais,
pour le cas où on le verrait…
— Silius l’a déjà fait. S’il arrive, on lui dira de
venir aussitôt te voir.
— Bien… Bien… Dans ce cas, retournons nous
coucher. » Il éteignit les lampes l’une après l’autre en murmurant :
« Où es-tu, où es-tu, Publius Sextius ? »
Romae,
in Domo Publica, Id. Mort., ad finem quartae vigilae
Rome,
demeure du grand pontife, 15 mars,
fin du
quatrième tour de garde, six heures du matin
César était déjà debout. Troublé par le cauchemar de
Calpurnia, il n’avait dormi que quelques heures. L’entendant, Antistius
s’habilla et alla à la cuisine lui préparer une potion chaude de plantes
aromatiques, qu’il lui apporta dans son cabinet. À l’ouest, retentissait le son
du buccin.
« C’est le dernier tour de garde, dit le dictateur.
— Oui. La journée sera longue et fatigante. Tu dois
d’abord assister à la séance du sénat, puis à une réunion restreinte avec ton
état-major et à une cérémonie au Capitole en fin d’après-midi. Tu as une autre
invitation à dîner…
— Donne-moi une cape. J’ai froid.
— Tu ne te sens pas bien ?
— J’ai des frissons et la migraine.
— Le vin de Lépide n’est pas réputé pour être le
meilleur, répliqua Antistius sur le ton de la plaisanterie.
— Ce n’est pas le vin. Cela fait longtemps que je
n’arrive pas à dormir. »
Le médecin lui toucha le front. « Tu as de la fièvre.
Allonge-toi et essaie de te détendre. Je vais te préparer un remède qui te fera
transpirer. »
César s’étendit sur un divan et porta une main à son front.
Il aurait voulu demander des nouvelles de Silius ou de Publius Sextius, mais il
était à présent persuadé qu’il n’y avait plus d’espoir.
Chapitre XIX
Romae,
in aedibus Ciceronis, Id. Mart., hora secunda
Rome,
demeure de Cicéron, 15 mars, sept heures du matin
Cicéron s’était sustenté et avait endossé une tunique de
laine en prévision de la journée qui s’annonçait fraîche. Il lisait et prenait
des notes sur une tablette en cire. C’était une invention de Tiron : il
coulait deux couches de cire, la première sombre et la seconde d’un blanc
naturel. Le stylet incisait la couche supérieure et des lettres foncées
apparaissaient sur le blanc, comme si l’on écrivait à l’encre sur du parchemin.
Les coups légers qu’on frappait à la porte devaient être les
siens. Cicéron l’invita à entrer.
Tiron lui tendit une lettre : « Elle vient de
Titus Pomponius. Son serviteur l’a déposée tout à l’heure. C’est urgent. »
Cicéron l’ouvrit.
Ides
de mars
Titus Pomponius Atticus à son cher Marcus Tullius,
salut !
Je n’ai pas été bien hier. Une forte migraine m’a
tourmenté toute la journée et empêché de vaquer à mes occupations. L’habituelle
potion de mauve et de romarin ne m’a pas soulagé, et mon état ne s’est pas
amélioré. Je ne pourrai donc pas te rendre visite, ce que je regrette. L’orage
m’a tenu éveillé une bonne partie de la nuit, et je suis certain que, si je
sortais, le vent et l’humidité aggraveraient mon état. Je t’exhorte, toi aussi,
à ne pas sortir aujourd’hui et à veiller sur toi, car la tramontane soufflera.
Porte-toi bien.
Cicéron referma la lettre. « Mauve et romarin »,
telle était l’expression en code qui indiquait un message crypté. Le contenu,
totalement ordinaire et en contradiction avec l’urgence annoncée par le
messager, signalait la gravité de la situation.
Le jour fixé pour la conjuration était arrivé. Les ides de
mars !
« J’ai ordonné qu’on prépare ta litière, maître,
déclara Tiron. La séance a lieu aujourd’hui à la curie de Pompée. »
Cicéron reposa la lettre sur une étagère, derrière lui.
« Je ne me sens pas très bien, répondit-il sans se retourner. Il vaut
mieux que je ne sorte pas. »
Romae,
in Domo Publica, Id. Mart., hora secunda
Rome,
demeure du grand pontife, 15 mars,
sept
heures du matin
L’orage de la nuit avait laissé de nombreuses traces dans la
ville : des branches cassées gisaient un peu partout avec des feuilles
mortes, des éclats de tuiles, des volets dégondés et emportés par le vent,
abandonnés contre les murs ou sur les trottoirs. De la grêle subsistait dans
les coins des jardins et des
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