Les Derniers Jours de Pompéi
oppressait davantage leurs cœurs.
Ce fut à ce moment que l’orage prédit par l’Égyptien commença à gronder autour d’eux. D’abord un roulement de tonnerre sourd et éloigné les avertit de la prochaine lutte des éléments ; bientôt les nuages s’accumulèrent sur leurs têtes, et la foudre y retentit avec force et à coups pressés. La promptitude avec laquelle se forment les nuages, dans ce climat, a quelque chose de surnaturel, et la superstition des premiers âges a pu y voir l’effet d’une puissance divine, sans qu’il y ait lieu de s’en étonner : quelques larges gouttes de pluie tombèrent pesamment à travers les branches qui s’étendaient au-dessus du sentier ; puis, tout à coup, un éclair rapide et effrayant passa avec ses lueurs fourchues devant leurs yeux, et fut suivi d’une complète obscurité.
« Va plus vite, bon carrucarius, dit Glaucus au conducteur. L’orage va fondre sur nous. »
L’esclave pressa ses mules ; elles rasèrent le chemin inégal et pierreux ; les nuages s’épaissirent de plus en plus ; le tonnerre redoubla ses coups, et la pluie tomba à grands flots.
« N’as-tu pas peur ? murmura tout bas Glaucus à Ione, en saisissant ce prétexte pour s’approcher d’elle davantage.
– Non, pas avec toi », répondit-elle doucement.
En cet instant, la voiture fragile et mal construite (comme beaucoup d’autres choses peu perfectionnées de ce temps, en dépit de leurs formes gracieuses) tomba avec violence dans une ornière, en travers de laquelle se trouvait une poutre de bois. Le conducteur, jurant contre ses mules, ne fit que les stimuler plus vigoureusement ; mais il en résulta qu’une des roues vint à se détacher, et que la voiture versa.
Glaucus, précipitamment sorti du véhicule, porta secours à Ione, qui par bonheur ne s’était pas blessée. Ils parvinrent, non sans difficulté, à relever le carruca, mais ils reconnurent qu’il ne fallait pas songer même à y chercher un abri ; les ressorts qui servaient à attacher la tenture étaient brisés, et la pluie se précipitait dans l’intérieur.
Qu’y avait-il à faire dans cette fâcheuse conjoncture ? Ils étaient encore à quelque distance de la ville : ni maison ni aide autour d’eux.
« Il y a, dit l’esclave, un forgeron, à un mille d’ici ; il pourrait remettre la roue à la voiture ; mais, par Jupiter, comme il pleut, ma maîtresse sera trempée avant que je sois revenu.
– Cours-y, reprit Glaucus : nous tâcherons de nous abriter du mieux possible jusqu’à ton retour. »
La route était ombragée d’arbres ; Glaucus attira Ione sous le plus épais. Il essaya de la protéger avec son manteau contre la pluie ; mais la pluie tombait avec tant de violence que rien ne lui faisait obstacle. Pendant que Glaucus soutenait la belle Ione et l’encourageait tout bas à prendre patience, la foudre éclata sur un des arbres qui se trouvaient immédiatement devant eux, et fendit en deux son large tronc. Ce redoutable accident leur fit connaître le péril qu’ils couraient sous leur propre abri, et Glaucus regarda autour de lui avec anxiété pour voir s’il ne découvrirait pas un lieu de refuge moins exposé au danger.
« Nous sommes maintenant, dit-il, à peu près à la hauteur de la moitié du Vésuve ; il doit y avoir quelque caverne, quelque creux dans ces rochers couverts de vignes, retraite abandonnée par les nymphes ; si nous pouvions y arriver ! »
En parlant ainsi, il s’éloigna un peu de l’arbre, et, parcourant la montagne d’un regard attentif, il aperçut à une distance peu considérable une lumière rouge et tremblante.
« Cette lumière, dit-il, doit provenir du foyer de quelque berger ou de quelque vigneron ; elle va nous guider vers un endroit hospitalier. Voulez-vous rester ici, Ione… pendant que… Mais non… je ne voudrais pas vous quitter lorsqu’il y a du danger…
– J’irai volontiers avec vous, dit Ione ; quoique cet espace soit découvert, il vaut encore mieux que l’abri perfide de ces arbres. »
Glaucus, moitié conduisant, moitié portant Ione, s’avança, accompagné de la tremblante esclave, vers la lueur rougeâtre et d’un aspect étrange qui les guidait. Ils en perdaient quelquefois les rayons à travers les plants de vigne sauvage qui remplissaient leur chemin découvert et encombraient leurs pas. Cependant la pluie augmentait toujours, et les éclairs revêtaient leurs formes les plus
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