Les Derniers Jours de Pompéi
manière dont Calénus répétait ces mots en grinçant des dents, Nydia comprit qu’elle pouvait compter sur sa haine contre Arbacès pour sauver l’Athénien ; son cœur palpitait. Serait-elle donc assez heureuse pour sauver celui qu’elle adorait, qui était son idole…
« C’est assez, dit-elle ; les dieux qui m’ont conduite ici ne m’abandonneront pas sans doute. Oui, je sens que je te délivrerai ; attends-moi avec patience et prends courage.
– Mais sois prudente, sois adroite, douce étrangère. N’essaye pas d’attendrir Arbacès ; il est de marbre. Va trouver le préteur, dis-lui tout ce que tu sais… obtiens de lui un mandat pour me faire chercher… amène des soldats et d’habiles serruriers… ces serrures sont d’une force surprenante… le temps passe… je puis mourir de faim, de faim !… si tu ne te presses pas. Va, va… non, attends… il est affreux d’être seul… l’air est comme dans un cimetière… et les scorpions… ah ! et les pâles larves… ah ! attends, attends…
– Non, s’écria Nydia, terrifiée de la terreur du prêtre, et pressée de ressaisir ses idées confuses ; non, c’est dans ton intérêt que je pars… Que l’espérance demeure avec toi… Adieu ! »
Elle s’éloigna doucement et en tendant les bras le long des piliers, jusqu’à ce qu’elle eût gardé l’extrémité de la salle, et l’entrée du corridor qui conduisait au grand air, mais là, elle s’arrêta ; elle pensa qu’il serait plus prudent d’attendre que toute la maison, vers les approches du matin, fût endormie dans un profond sommeil, afin de pouvoir sortir sans être remarquée ; elle se coucha donc de nouveau à terre, et compta les instants. La joie était le sentiment qui dominait dans son cœur agité. Glaucus courait un grand danger, mais elle le sauverait.
Chapitre 15
Arbacès et Ione. – Nydia dans le jardin. – Échappera-t-elle et sauvera-t-elle l’Athénien ?
Lorsque Arbacès eut réchauffé ses veines glacées à l’aide de quelques coupes d’un vin épicé et parfumé, cher aux voluptueux, il se sentit le cœur triomphant et plein de joie. Il y a, pour tout succès ingénieusement obtenu, une satisfaction orgueilleuse, même lorsque le but est criminel. Notre nature vaniteuse s’enorgueillit d’abord de sa supériorité et de son adresse. Plus tard seulement arrive la terrible réaction du remords.
Mais le remords n’était pas un sentiment que le destin du misérable Calénus fût capable d’inspirer à Arbacès. Il bannit de son souvenir la pensée de l’agonie du prêtre et de sa mort cruelle. Il sentit qu’un affreux danger était passé pour lui, qu’un ennemi possible se trouvait réduit au silence ; il ne lui restait plus qu’à expliquer la disparition de Calénus au corps des prêtres, et cela ne lui semblait pas bien difficile. Calénus avait été employé par lui à diverses missions dans les villes voisines. Il affirmerait encore qu’il l’avait envoyé porter aux autels d’Isis, à Herculanum et à Néapolis, des offrandes pour apaiser la déesse irritée du meurtre récent d’Apaecidès. Calénus une fois mort, son corps pourrait être jeté, avant le départ de l’Égyptien, dans le courant profond du Sarnus ; et, s’il venait à être découvert, le soupçon tomberait sans doute sur les Nazaréens athées, qui seraient censés avoir vengé sur lui la mort d’Olynthus aux arènes. Ces divers plans combinés pour sa sûreté personnelle, Arbacès éloigna de sa pensée tout souvenir de l’infortuné prêtre, et, excité par le succès qui avait jusque alors couronné ses projets, il tourna ses pensées du côté d’Ione. La dernière fois qu’il l’avait vue, elle l’avait chassé de sa présence par des reproches et un amer mépris qu’il lui était impossible de supporter. Il se trouva assez sûr de lui-même pour tenter une nouvelle entrevue, car sa passion pour elle ressemblait à celle qu’éprouvent les autres hommes : elle lui faisait désirer sa présence, quoique devant elle il fût exaspéré et humilié. Par égard pour sa douleur, il ne quitta point ses sombres vêtements ; mais, parfumant ses noirs cheveux et arrangeant gracieusement les plis de sa tunique, il se dirigea vers la chambre de la Napolitaine. Il demanda à l’esclave qui veillait à sa porte si Ione s’était couchée, et, apprenant qu’elle était encore levée et plus tranquille qu’elle n’avait encore été
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