Les Derniers Jours de Pompéi
était soutenu par de courtes et épaisses colonnes d’une architecture bien éloignée des grâces élégantes de l’art grec, adopté par cette voluptueuse époque. L’unique et pâle lampe que portait Arbacès ne jetait qu’une lumière imparfaite sur les murs grossiers et nus, composés de larges blocs de pierre enchevêtrés l’un dans l’autre, mais sans ciment. Des reptiles troublés par ces hôtes inattendus les regardaient d’un air effaré, et se perdaient précipitamment dans l’ombre des murs. Calénus frissonna en jetant les yeux autour de lui et en respirant cet air humide et malsain.
« Eh bien ! dit Arbacès avec un sourire, en s’apercevant de ce frisson, ce sont ces grossiers caveaux qui fournissent au luxe des salles supérieures. Ils ressemblent aux laboureurs de ce monde ; nous méprisons leurs grossières mœurs, et ce sont eux qui nourrissent notre orgueil dédaigneux.
– Et où conduit cette galerie à gauche ? demanda Calénus. Dans sa profonde obscurité, elle paraît sans limite, comme si elle conduisait aux enfers.
– Au contraire, elle conduit à la lumière, répondit négligemment Arbacès. Quant à nous, notre chemin est à droite. »
Cette salle, comme beaucoup d’autres dans les quartiers habités de Pompéi, se divisait à son extrémité en deux ailes ou passages, dont la longueur, en réalité, n’était pas considérable, mais elle s’agrandissait aux yeux dans des ténèbres que la lampe ne pouvait pas dissiper entièrement. Les deux amis dirigèrent leurs pas sur la droite de ces deux ailes.
« Le joyeux Glaucus habitera demain un appartement qui ne sera pas plus sec, mais moins spacieux », dit Calénus, justement au moment où il passaient devant l’endroit où la Thessalienne était blottie sous la protection du large arc-boutant.
« Oui, mais en revanche, le jour suivant, il jouira d’un espace assez considérable et assez sec dans l’arène ; et quand on pense, continua Arbacès lentement et d’un ton délibéré, qu’un mot de Calénus pourrait le sauver et mettre Arbacès à sa place !
– Ce mot ne sera jamais dit, répliqua Calénus.
– C’est juste, mon cher Calénus, il ne sera jamais dit, et Arbacès s’appuya familièrement sur l’épaule de son compagnon ; mais nous voici devant la porte… »
La lumière tremblante de la lampe laissa voir dans ce mur sombre et grossier une petite porte, profondément enfoncée et garnie de fortes bandes et de plaques de fer. Arbacès tira de sa ceinture un petit anneau qui retenait trois ou quatre clefs courtes, mais solides. Le cœur de l’avide Calénus battit avec violence, lorsqu’il entendit la serrure rouillée crier, comme si elle ne livrait qu’à regret la vue des trésors confiés à sa garde.
« Entre, mon ami, dit Arbacès, pendant que j’élève la lampe, afin que tu puisses contempler à ton aise tous ces monts d’or. »
L’impatient Calénus ne se fit pas prier deux fois. Il s’avança dans l’ouverture.
À peine avait-il passé le seuil que la forte main d’Arbacès le poussa en avant.
« Le mot ne sera jamais dit », s’écria l’Égyptien avec un long éclat de rire, et il referma la porte sur le prêtre.
Calénus avait été précipité de plusieurs marches ; mais au premier moment, il ne sentit pas la douleur de sa chute ; il s’élança vers la porte, et la frappant violemment avec ses poings fermés, il s’écria d’une voix plus semblable au hurlement d’une bête fauve qu’à une voix humaine, tant son désespoir était profond :
« Oh ! délivrez-moi, Arbacès, délivrez-moi, et gardez votre or. »
Ces paroles ne pénétrèrent qu’imparfaitement au travers de la porte massive, et Arbacès poussa un nouvel éclat de rire ; frappant ensuite du pied avec force, et laissant éclater enfin sa colère longtemps contenue, il reprit :
« Tout l’or de la Dalmatie ne te procurera pas une croûte de pain : meurs de faim, misérable, tes derniers soupirs ne réveilleront pas même l’écho de ces vastes salles ; l’air ne révélera jamais que l’homme qui a menacé et qui pouvait perdre Arbacès est mort de faim, rongeant, dans son désespoir, la propre chair de ses os. Adieu !
– Oh ! pitié ! pitié ! odieux scélérat… est-ce pour cela… »
Le reste de cette imprécation n’arriva pas à l’oreille d’Arbacès, qui s’en retournait à travers la sombre salle. Un crapaud, gros et gonflé de venin, se trouva sur
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