Les Derniers Jours de Pompéi
bachique.
ODE ANACRÉONTIQUE
Dans la coupe où tu bois l’ivresse,
La grappe a versé son beau sang ;
Dans les veines de la jeunesse,
Circule un nectar plus puissant.
Généreux splendide,
Comme un feu liquide,
Il jette dans tes yeux un éclat ravissant.
Je vois que ta lèvre s’enivre,
À Bacchus donne ta raison ;
La grappe a la clef qui délivre
L’homme de sa rude prison.
Lyalus {23} à sa gloire,
T’ordonne de boire,
Quand la lampe en secret éclaire la maison.
Bois donc ; dans tes yeux pleins de charmes,
Moi je cherche un plus doux transport,
Souris au vin. À moi tes larmes,
Si jamais tu te plains du sort.
Retourne la tête
Et vois ta conquête ;
Un regard de toi beau jeune homme ou la mort !
Le chant expiré, un groupe de très jeunes filles enlacées d’une chaîne de fleurs étoilées et qui surpassaient les Grâces en les imitant, s’avança vers lui en dansant des pas ioniens semblables aux pas des Néréides, lorsqu’elles jouaient au clair de la lune sur les sables de la mer Égée ou à ceux que Cythérée enseignait à ses nymphes au mariage de Psyché et de son fils. Tantôt en s’approchant, elles couronnaient son front de leurs guirlandes ; tantôt la plus jeune des trois s’agenouillant lui présentait la coupe où étincelait et bouillonnait le vin de Lesbos. Le jeune homme ne résista plus ; il saisit le breuvage enchanté. Le sang coulait impétueusement dans ses veines. Il laissa tomber son front sur le sein de la nymphe auprès de laquelle il était assis ; et tournant ses yeux humides vers Arbacès qu’il cherchait et auquel il n’avait plus songé dans l’excès de ses émotions, il l’aperçut assis sous un dais au bout de la table ; Arbacès le regardait avec un air souriant, qui l’invitait à s’abandonner au plaisir. Il l’aperçut non pas comme il avait coutume de le voir vêtu d’une robe noire, le front soucieux et austère : une robe qui éblouissait la vue, blanche et tout étincelante de pierreries et d’or, enveloppait sa taille majestueuse ; des roses blanches aussi et entremêlées d’émeraudes et de rubis formaient une espèce de tiare qui surmontait ses cheveux noirs. Il semblait comme Ulysse avoir obtenu la faveur d’une seconde jeunesse. Ses traits paraissaient avoir échangé la méditation contre la beauté. Il possédait au milieu de tout le charme dont il était entouré, la douceur suprême et rayonnante du maître de l’Olympe.
« Bois, prends part au banquet, aime, ô mon disciple, dit-il ; ne rougis pas d’être jeune et passionné. Ce que tu es, l’ardeur de ton sang te le dit. Ce que tu seras, ceci te le dira. »
En même temps, il montra du doigt une niche. Apaecidès, suivant son geste, vit sur un piédestal placé entre la statue de Bacchus et celle d’Idalie… la forme d’un squelette.
« Ne t’effraye pas, reprit l’Égyptien. Cet hôte, ami, nous avertit de la brièveté de notre existence. De sa mâchoire, je crois entendre sortir une voix qui nous crie « JOUISSEZ ! »
À ces mots, un groupe de nymphes entoura la statue ; elles déposèrent des guirlandes sur le piédestal ; et pendant que les coupes se vidaient et se remplissaient de nouveau, elles firent entendre ce chant :
HYMNE BACHIQUE À L’IMAGE DE LA MORT
I
Te voilà maintenant dans le pâle royaume,
Toi qui jadis buvais chantais aimais,
Sur le bord infernal tu glisses ô fantôme,
Mais ta pensée est à nous pour jamais ;
Oui si la mémoire d’une ombre,
Peut remonter du pays sombre,
Jusqu’à nos cieux dorés nos plaisirs et nos mets…
Nous couronnons de fleurs la demeure déserte
Où tu régnas délicieux séjour ;
La rose en tes jardins et la campagne verte
Te souriaient avec un air d’amour.
Pour te réjouir les cithares
Formaient leurs accords les plus rares,
Aussitôt que la nuit avait chassé le jour.
Ici un nouveau groupe s’avança et la musique prit un ton plus vif et plus joyeux.
II
La mort est cette sombre rive
Où nous allons tous.
Doucement barque fugitive,
Doucement vents jaloux !
Fleurissons les heures moroses,
Et narguons le sort ;
Au milieu des chants et des roses
Voguons vers la mort.
Après un léger repos, la musique recommença avec une mesure plus vive et plus brillante encore.
Puisque la vie est si rapide
Gardons-nous de perdre un seul jour ;
Jeunesse dans ta coupe humide,
Buvons la perle de l’amour.
Un troisième groupe s’approcha avec des coupes
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