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Les Dieux S'amusent

Les Dieux S'amusent

Titel: Les Dieux S'amusent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Denis Lindon
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trois
compagnons, les ligote et les ramène aux navires.
    Une nouvelle fois, il reprend la mer sans avoir pu
renouveler ses réserves d’eau. Ses provisions de viande, elles aussi, commencent
à diminuer d’une manière inquiétante. Il faut donc, de toute urgence, faire une
nouvelle escale.
    Une grande île apparaît bientôt à l’horizon. Ulysse s’en
approche ; en longeant la côte, il découvre une crique abritée dans
laquelle il fait jeter l’ancre à ses vaisseaux. Cette fois-ci, il décide de
prendre lui-même la tête d’un détachement de reconnaissance composé de douze
soldats. Les treize hommes montent à bord d’un petit canot en emportant leurs
armes, des casse-croûte et, à défaut d’eau, une grande outre remplie d’un vin
épais. Quelques instants plus tard, ils ont mis le pied sur l’île de Capri, appelée
aussi l’île des Cyclopes.

Le Cyclope Polyphème
    Les Cyclopes, vous vous en souvenez sans doute, étaient des
créatures gigantesques et frustes, qui n’avaient qu’un œil au milieu du front. Ils
étaient les ouvriers de Vulcain et, à ce titre, fabriquaient les foudres de
Jupiter, les flèches d’Apollon, les tridents de Neptune et, d’une manière
générale, toutes les fournitures métalliques de l’Olympe. Bien que leur
filiation réelle ne fût pas clairement établie, certains d’entre eux passaient
pour les fils de Neptune. Leur employeur, Vulcain, était un bon patron. Il leur
accordait chaque année, par roulement, quatre semaines de congés payés et
mettait gratuitement à leur disposition, pendant cette période, l’île de Capri
dont il avait fait un centre de tourisme social. Les Cyclopes en vacances y
disposaient chacun d’une caverne individuelle et pouvaient se délasser de leurs
activités industrielles en menant, pendant un mois, une vie de berger.
    À peine débarqués sur l’île, Ulysse et ses douze compagnons
se mirent à l’explorer. La présence d’innombrables crottes de mouton leur fit
supposer qu’elle était habitée et que ses habitants se livraient à l’élevage. En
suivant la piste des crottes, Ulysse découvrit qu’elle menait à une vaste
caverne creusée dans le roc d’une colline. L’entrée étant libre, Ulysse y
pénétra. Elle était vide d’habitants, mais pleine de jattes de lait et de
fromages de brebis, rangés avec soin sur des étagères qui couvraient presque
toutes les parois. Dans un coin se trouvaient rassemblés quatre objets banals
mais hétéroclites : un grand miroir, un tonneau rempli d’eau, un râteau et
une faux. La prudence conseillait à Ulysse de se charger de quelques fromages
et de retourner avec ses compagnons à ses navires. Mais la cupidité, plus forte
en l’occurrence que la prudence, lui suggéra d’attendre le retour des occupants
de la caverne pour essayer de se livrer avec eux à quelque transaction
fructueuse.
    S’étant désaltérés et restaurés, les treize hommes s’étendirent
donc sur la paille qui couvrait une partie du sol et s’assoupirent. Il faisait
presque nuit et la grotte était déjà plongée dans la pénombre lorsqu’ils furent
réveillés par des bruits de pas, mais de pas si pesants qu’ils crurent d’abord
que l’armée troyenne tout entière était revenue des enfers et marchait vers eux
en cadence. Presque aussitôt, un troupeau d’une vingtaine de gros moutons
entrait en bêlant ; derrière eux, une silhouette immense s’encadrait un
instant dans l’ouverture ; baissant sa tête pour ne pas se cogner, c’était
le Cyclope Polyphème qui rentrait chez lui.
    Tout d’abord, dans l’obscurité, il ne voit pas Ulysse et ses
compagnons. Sans se presser, comme il le fait chaque soir, il roule devant l’entrée
de la caverne, pour la fermer, un énorme bloc de pierre que vingt-deux chevaux
auraient eu de la peine à déplacer. Après quoi, le Cyclope se dirige vers le
coin où se trouvait accroché un miroir et, profitant d’un reste de jour qui l’éclairait
encore, se peigne avec le râteau, se rase avec la faux et se rince la bouche
avec le tonneau. Sa toilette faite, il allume du feu ; c’est alors
seulement qu’il aperçoit les intrus, accroupis, immobiles et muets de terreur.
    Dominant sa peur, Ulysse se lève, fait un pas en avant, toussote
pour s’éclaircir la voix et adresse un bref compliment au Cyclope.
    — Nous sommes, dit-il, des guerriers grecs qui revenons
chez nous après avoir remporté à Troie une grande victoire. La noblesse

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