Les Dieux S'amusent
avec horreur ; toutes les portes se
ferment devant moi. Je n’ai plus ni patrie ni foyer.
— Ce n’est pas ta volonté, mais la fatalité qui est
responsable de tes crimes, lui répondit Thésée ; tu n’es donc pas, à mes
yeux, un criminel mais une victime. Si tu le veux, Athènes sera désormais ta
patrie, et ma maison sera ton foyer.
Œdipe s’installa chez Thésée, où il mourut quelques mois
plus tard. Ses deux filles, Antigone et Ismène, retournèrent alors à Thèbes. Elles
trouvèrent le royaume à feu et à sang.
Étéocle et Polynice
Après qu’Œdipe avait été chassé de Thèbes, ses deux fils, Étéocle
et Polynice, s’étaient disputé sa succession. Ils avaient fini par conclure un
accord aux termes duquel chacun d’eux régnerait alternativement pendant un an. L’aîné,
Étéocle, était monté le premier sur le trône. Un an plus tard, lorsque Polynice
était venu réclamer son tour, Étéocle avait refusé de le lui céder et l’avait
chassé de la ville. Au moment où Antigone et Ismène revinrent à Thèbes, Polynice,
soutenu par six princes voisins dont il avait demandé le concours, se disposait
à donner l’assaut à la ville, à la tête d’une forte armée. De son côté, Étéocle
avait partagé sa garnison entre les sept portes de la ville, face auxquelles
avaient pris position Polynice et ses six alliés.
C’est alors que, désireux d’éviter un bain de sang, Polynice
proposa à son frère de vider leur querelle par un combat singulier. Étéocle
accepta. En présence des deux armées et sous les yeux de leurs sœurs, les deux
frères ennemis se ruèrent l’un sur l’autre dans un tel élan de haine qu’ils se
transpercèrent mutuellement et simultanément de leurs épées. Quelques instants
plus tard, ils mouraient ensemble.
Aussitôt après, les troupes assiégeantes, commandées par les
six chefs, donnaient l’assaut à la ville. Au terme d’un bref combat, cinq des
six chefs étaient étendus, parmi de nombreux autres morts, devant les portes. Le
sixième, ainsi que les autres survivants, avait pris la fuite. Les Thébains
victorieux se donnèrent alors pour roi Créon, le frère de l’ancienne reine
Jocaste.
Sa première décision fut de refuser les honneurs funèbres et
une sépulture décente à Polynice et aux cinq chefs étrangers qui avaient péri
dans la bataille. C’était là une grave décision. Les anciens Grecs croyaient en
effet que les âmes de ceux qui avaient été privés de sépulture étaient
condamnées à errer sans fin aux portes du royaume des morts, sans pouvoir
jamais y être admises.
Dès qu’elle a connaissance de cette décision, Antigone, révoltée,
va trouver son oncle Créon, le nouveau roi.
— Est-il exact, lui demande-t-elle, que tu t’apprêtes à
donner une sépulture décente à Étéocle et à la refuser à Polynice ?
— C’est exact, répond Créon ; je ne fais, en cela,
qu’appliquer la loi de Thèbes, qui prévoit que les traîtres à la patrie seront
privés des honneurs funèbres ; or Polynice, en attaquant la ville avec l’aide
de troupes étrangères, a agi comme un traître ; j’ai donc interdit qu’on l’enterre,
et je punirai de mort quiconque enfreindrait cet ordre.
— Les lois de l’État m’interdisent peut-être d’enterrer
mon frère, lui répond Antigone, mais les lois de la nature m’ordonnent de le
faire. Et, à mes yeux, les lois divines sont au-dessus des lois humaines.
Passant outre l’interdiction de son oncle, elle enterra
Polynice pendant la nuit. Le lendemain, Créon la faisait exécuter.
Intervention de Thésée
Le dernier survivant des six princes se nommait Adraste. Il
avait accepté sa défaite, mais il ne pouvait supporter l’idée que ses
compagnons, privés de sépulture, fussent la proie des vautours et des chiens. Il
se rendit à Athènes, dans l’intention de demander l’intervention de Thésée.
Lorsque Adraste arriva à Athènes, Thésée participait, avec
tous les citoyens de la ville, à une assemblée du peuple. Le prenant à part, Adraste
lui exposa l’objet de sa visite.
— Les Athéniens, lui répondit Thésée, ont pour principe
de ne pas intervenir dans les affaires intérieures des autres États. Cependant
je reconnais que le comportement de Créon, à l’égard des princes étrangers, semble
contraire aux lois de la guerre. Si tu le souhaites, tu soumettras ta requête, dès
demain, à notre assemblée.
Créon, cependant,
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