Les Dieux S'amusent
avait appris qu’Adraste s’était rendu à
Athènes pour en solliciter le concours. Il avait alors lui-même dépêché de
toute urgence un ambassadeur, chargé de dissuader les Athéniens d’intervenir. Cet
ambassadeur, arrivé à Athènes quelques heures seulement après Adraste, se
présente dès le lendemain matin à l’assemblée du peuple et, dès qu’elle s’ouvre,
demande la parole.
— Je suis, déclare-t-il, envoyé par Créon, le nouveau
roi de Thèbes. Mon maître m’a chargé d’un message pour le vôtre. Veuillez donc
me dire qui est votre roi.
Pareil à Mirabeau aux états généraux de 1789, Thésée se
dresse, pointe un doigt accusateur vers l’ambassadeur et l’apostrophe en ces
termes :
— Tu diras à Créon que les Athéniens n’ont pas de roi
et qu’ils sont leurs propres maîtres. Si tu as une requête à adresser à Athènes,
c’est à tous les Athéniens, ici réunis, que tu dois la présenter. Ils
décideront librement de la suite à y donner.
Décontenancé, l’ambassadeur délivre cependant son message 1 :
— Créon vous fait savoir que si vous avez l’audace de
vous mêler des affaires de Thèbes, vous subirez le même sort que les six
princes.
— Laisse-nous maintenant délibérer, lui répond
simplement Thésée.
Après le départ de l’ambassadeur et l’audition d’Adraste, l’assemblée
du peuple athénien, irritée par les menaces de Créon et indignée du traitement
qu’il avait infligé aux cadavres des princes, décidait quelques heures plus
tard de déclarer la guerre à Thèbes.
Sous la conduite de Thésée, commandant de l’armée, les
Athéniens remportèrent la victoire. Créon, fait prisonnier, fut conduit devant
Thésée.
— Tu vois, lui dit celui-ci, qu’une armée d’hommes
libres, qui combattent par idéalisme, est plus forte qu’un troupeau d’esclaves,
qui ne combattent que par crainte de leur maître. Nous pourrions maintenant, si
nous le voulions, piller ta ville, la raser et emmener ses habitants en
captivité. Mais nous sommes venus ici pour faire respecter le droit des gens et
non pour le violer à notre tour. Nous n’abuserons donc pas de notre victoire.
Et, après avoir rendu les honneurs funèbres aux restes des
cinq princes et à tous les autres soldats morts au combat, l’armée athénienne
retourna dans son pays.
Phèdre et Hippolyte
Thésée avait eu, au cours de son existence agitée, de
nombreuses aventures amoureuses, mais il ne s’était jamais marié. Peu de temps
après son retour à Athènes, ayant repris sa vie de simple citoyen, il jugea qu’il
était grand temps, pour lui, de fonder un foyer.
De toutes les femmes qu’il avait rencontrées, celle qui lui
avait fait la plus vive impression était Phèdre, la fille aînée du roi de Crète,
Minos. Il l’avait connue bien des années auparavant, lorsqu’il était allé en
Crète pour affronter le Minotaure. À cette époque, le lecteur s’en souvient
peut-être, Phèdre n’avait pas accordé la moindre attention à Thésée, alors que
sa sœur Ariane s’était au contraire jetée dans les bras du héros. Peu de temps
après, Thésée avait abandonné Ariane sur l’île de Naxos et l’avait depuis
complètement oubliée. Mais il n’avait pas oublié Phèdre ; le souvenir qu’il
avait d’elle s’était même idéalisé au fil des ans. C’est pourquoi, lorsqu’il
eut résolu de se marier, c’est à Phèdre qu’il pensa aussitôt. S’étant assuré
préalablement qu’elle était toujours célibataire, il se rendit en Crète, pour
demander au roi Minos la main de sa fille. Auréolé de la gloire que lui avaient
value ses nombreux exploits, il n’eut pas de peine à obtenir l’accord de Minos.
Quant à Phèdre elle-même, on ne lui demanda pas son avis : les convictions
démocratiques de Thésée n’allaient pas jusqu’à lui faire reconnaître le droit
des femmes à choisir un époux.
Sans enthousiasme, car elle persistait à ne pas éprouver une
grande attirance pour Thésée, Phèdre l’épousa et s’installa avec lui à Athènes.
Quelques mois plus tard, alors qu’ils dînaient en tête à tête, Thésée, l’air
gêné, lui déclara qu’il avait un aveu à lui faire :
— Il y a bien des années, à la suite d’une expédition
que j’avais faite en compagnie d’Hercule, j’ai eu une brève aventure avec
Antiope, la reine des Amazones. En la quittant, je lui avais fait promettre que,
si un garçon naissait de
Weitere Kostenlose Bücher