Les Dieux S'amusent
déesses : elle, c’est Junon, et moi, je
suis Minerve.
— Enchanté de vous connaître, répond poliment Pâris.
— 2° Tu n’es pas un simple berger, comme tu le crois, mais
un prince de sang royal, le propre fils de Priam et d’Hécube, souverains de
Troie ; ils t’ont abandonné il y a vingt ans sur le mont Ida, ou tu as été
recueilli par le berger que tu prends pour ton vrai père.
— Enchanté de le savoir, répond Pâris.
— 3° En conséquence, nous te conseillons vivement de
laisser ici, séance tenante, ton troupeau, ta flûte et ta nymphe, et d’aller à
Troie te faire reconnaître par tes parents. Au lieu de mener ici l’humble et
monotone existence d’un berger, tu trouveras là-bas le luxe et les plaisirs qui
conviennent à ta noble origine.
Si Pâris avait su ce qui l’attendait, peut-être eût-il
repoussé ce conseil et se fût-il contenté de la vie paisible qu’il avait connue
jusque-là. Mais il était jeune, imprévoyant et frivole. Il n’hésita donc pas un
instant.
Se faisant accompagner par son faux père, le berger, il se
rend au palais de ses parents, demande à voir le roi et la reine, leur révèle
qui il est, comment il a été sauvé et élevé par le berger. Celui-ci confirme
ses déclarations. Sa ressemblance avec ses parents achève de convaincre ceux-ci
de la véracité du récit. Persuadés, grâce à la ruse de Minerve, que Pâris a
dépassé l’âge critique de vingt ans, Priam et Hécube accueillent leur fils avec
joie et l’installent dans un des plus beaux appartements du palais.
Quant à la nymphe Œnone, avec qui Pâris vivait sur le mont
Ida et à qui il avait juré un amour éternel, il n’a pas eu le courage de lui
dire la vérité.
— Je dois m’absenter quelques jours pour une affaire
urgente, lui a-t-il seulement déclaré en partant.
Puis il l’a complètement oubliée. En vain la pauvre nymphe
a-t-elle tenté d’appliquer sur elle-même ses talents de guérisseuse : ses
élixirs et ses onguents sont impuissants à soigner les blessures d’amour, et la
plaie de son cœur ne s’est jamais refermée.
19. L’enlèvement d’Hélène
Un an a passé depuis le retour de Pâris à Troie. Au cours de cette année, il a pris
rapidement les habitudes des princes, et plus particulièrement leurs mauvaises
habitudes : il se lève tard, mène une vie oisive, ne s’intéresse qu’aux
belles femmes, aux beaux chevaux et aux beaux habits. Adoré et gâté par ses
parents, qui ne se pardonnent pas d’avoir voulu le faire tuer à sa naissance, il
a aussi conquis l’affection de son peuple, grâce à sa singulière beauté. Personne
ne se doute que, sous son apparence brillante et aimable, il dissimule de
graves défauts : il est paresseux, menteur et poltron. Mais l’on ne s’en
apercevra que plus tard.
Tout le monde croit que Pâris a vingt et un ans. En réalité,
il n’en a que vingt, c’est-à-dire l’âge même auquel, selon la prophétie, il
doit attirer sur son peuple une série de catastrophes. Le jour de son
anniversaire, son père Priam le convoque dans son cabinet :
— J’ai une importante mission à te confier, lui dit-il.
Tu te rappelles peut-être, car je te l’ai souvent raconté, que ma sœur Hésione,
ta tante, a été jadis enlevée par Hercule et envoyée en Grèce, où elle est
devenue la servante d’un roi, ou peut-être sa femme (ce qui, à cette époque, revenait
à peu près au même). Je crois savoir qu’elle y est toujours. Je voudrais donc
que tu partes à sa recherche, en Grèce, et que tu la ramènes ici, conformément
à la promesse que je lui ai faite le jour de son départ.
Enchanté de l’occasion qui s’offre à lui de voir du pays, Pâris
fait rapidement ses valises et s’embarque sur un navire qui le dépose quelques
jours plus tard sur les rivages de la Grèce.
À cette époque, la Grèce était divisée en une cinquantaine
de petits États ayant chacun à sa tête un roi. Le royaume où Pâris avait
débarqué était celui de Sparte. Il était gouverné par le roi Ménélas. Celui-ci,
âgé d’une trentaine d’années, avait à l’époque, et a d’ailleurs conservé depuis,
la réputation d’être un peu sot. Mais cette réputation était injuste. En
réalité, Ménélas n’était pas dépourvu de qualités : il était brave, généreux,
hospitalier et d’une parfaite droiture. Son seul défaut — mais est-ce
vraiment un défaut ? — était une certaine naïveté.
Weitere Kostenlose Bücher