Les Dieux S'amusent
le bureau de Ménélas.
Dès le premier regard qu’elle jeta sur Pâris et sur sa
ceinture, elle fut saisie d’un trouble étrange devant la beauté du jeune prince.
Celui-ci, de son côté, ressentait devant elle la même impression que celle qu’il
avait éprouvée, un an plus tôt sur le mont Ida, en voyant apparaître Vénus. Ils
restèrent muets un instant, incapables, dans leur émotion, de prononcer une parole.
Cependant, Ménélas, sans se douter de rien, renouvelait avec insistance son
invitation.
— Je l’accepte avec plaisir, finit par bredouiller Pâris,
qui ne pensait déjà plus ni à la chasse, ni à Hésione, ni aux lois sacrées de l’hospitalité,
mais qui envisageait avec plaisir la perspective de faire plus ample
connaissance avec Hélène.
Au cours des journées qui suivirent, Pâris accompagna tous
les matins Ménélas à la chasse. Grâce à ses talents d’archer, Pâris y faisait
merveille, et Ménélas, enchanté de son compagnon, insistait chaque jour pour qu’il
prolongeât son séjour. Le soir, ils revenaient au palais et dînaient avec
Hélène. Aussitôt la dernière bouchée avalée, Ménélas, épuisé par sa journée de
chasse, priait son hôte de l’excuser et allait goûter dans sa chambre un
sommeil paisible, profond et réparateur — mais imprudent. Pâris restait
seul, au coin du feu, avec la belle Hélène. Pendant de longues heures, il
déployait ses talents de séducteur :
— Quel dommage qu’une femme comme toi, si belle et si
intelligente, perde ainsi les plus belles années de sa jeunesse, aux côtés d’un
mari qui la délaisse et ne l’apprécie pas à sa juste valeur ! Ce qu’il te
faudrait, ce sont des voyages, des fêtes, des conversations brillantes, et
surtout un homme qui t’aime avec passion et qui te fasse la cour jour et nuit.
Hélène, troublée par le vin que lui versait Pâris, par ses
paroles flatteuses, et plus encore par sa beauté, protestait de plus en plus
faiblement de sa fidélité à son mari. Un soir, Pâris se fit plus pressant et
Hélène, succombant à la tentation, tomba dans ses bras.
Le lendemain matin, comme Ménélas venait chercher Pâris pour
l’emmener à la chasse, celui-ci, feignant une indisposition, s’excusa de ne
pouvoir l’accompagner :
— Pour une fois, je te laisserai aller seul et resterai
au palais à me reposer.
Sans méfiance, Ménélas partit. Aussitôt, Pâris monte chez
Hélène, la réveille et lui dit :
— Je repars aujourd’hui même pour Troie. Si tu veux, je
t’emmène. Tu trouveras là-bas, en ma compagnie, la vie joyeuse et brillante que
tu mérites.
— Mais Ménélas ? interroge Hélène, encore
hésitante.
— Ménélas ne t’aime pas vraiment, répond Pâris, il sera
bien content d’être débarrassé de toi et de pouvoir se livrer sans remords à
son passe-temps favori.
— Et ma fille Hermione ? reprend Hélène.
— Ne t’inquiète pas pour elle, Ménélas est meilleur
père que mari, et il s’occupera très bien d’elle.
Hélène finit par se laisser convaincre. Précipitamment, elle
prépare ses bagages. En plus de ses toilettes et de ses objets personnels, elle
dérobe même, à la demande de Pâris, le contenu du coffre-fort de Ménélas, dont
elle connaît le mécanisme : trois malles suffisent à peine à entasser l’or,
les bijoux et les objets d’art de Ménélas. Hélène oublie seulement, dans sa
précipitation, d’emmener sa colombe favorite. À deux heures de l’après-midi, profitant
de l’heure de la sieste pendant laquelle les serviteurs et les gardes du palais
sont endormis, Pâris attelle son char, y fait monter Hélène et ses bagages, fonce
vers le port, embarque à bord de son bateau et s’éloigne vers Troie, toutes
voiles dehors.
À la tombée de la nuit, Ménélas rentre au palais, content de
sa journée. Il monte joyeusement dans la chambre d’Hélène, où il ne trouve que
la colombe et un billet sarcastique écrit par Pâris et portant ces mots : Qui
va à la chasse perd sa place.
20. Les préparatifs de la Guerre
Ménélas resta
quelques jours sans réaction, comme accablé par son étonnement et sa
douleur. Puis, reprenant ses esprits, il se rendit chez son frère aîné, Agamemnon,
pour lui demander aide et conseil.
Agamemnon régnait sur le royaume d’Argos, le plus grand et
le plus puissant des cinquante États de la Grèce. Pour cette raison, il était
craint et respecté par les autres rois. Sa puissance et
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