Les Dieux S'amusent
leur époux comme
convenu. La cinquantième, qui était la plus laide, ne put le faire, car son
époux, dès le premier soir, avait découché. Les quarante-neuf criminelles, que
tu vois ici occupées à puiser de l’eau à une fontaine, sont condamnées à
remplir éternellement un tonneau percé.
» Quant à Tantale, c’est vraiment le clou de notre
spectacle. C’était un gastronome réputé, dont la table et la cave étaient les
meilleures de toute la Grèce. Même les dieux de l’Olympe ne dédaignaient pas de
se faire inviter par lui. Non content d’être considéré comme le plus fin
gourmet de son époque, il se plaisait à humilier ses convives en leur
démontrant leur propre incompétence : il leur faisait prendre par exemple
de la lotte pour du homard ou encore, après les avoir fait s’extasier sur un
rôti de bœuf en croûte, il leur révélait à la fin du repas qu’il s’agissait en
réalité de viande de cheval. Il poussa un jour la plaisanterie trop loin. Ayant
à sa table Jupiter, Apollon et Cérès, il leur servit en rôti son propre fils
Pélops, après l’avoir lui-même égorgé et découpé en morceaux. Il voulait
prouver au monde qu’il pouvait tromper les dieux eux-mêmes. Cérès, mourant de
faim, fut servie la première et avala un morceau de Pélops sans s’apercevoir de
rien. Mais Jupiter, à qui l’on ne peut rien cacher, découvrit bientôt l’atroce
mystification. Son premier soin fut d’essayer de rendre la vie au malheureux
Pélops, victime de l’orgueil insensé de son père. Laborieusement, Jupiter et
Apollon assemblèrent et recollèrent les morceaux du corps du jeune homme. Il en
manquait un seul, l’épaule droite, que Cérès avait mangée. Pour la remplacer, Apollon
demanda à son fils, le célèbre Esculape, de fabriquer et de greffer sur Pélops
une épaule d’ivoire, réalisant ainsi la première prothèse chirurgicale de l’histoire.
» Quant à Tantale, il fut condamné au supplice que tu
peux observer : dévoré de faim et de soif, il se tient debout dans l’eau d’un
lac limpide, qui lui arrive à la poitrine ; juste au-dessus de lui, de
superbes arbres fruitiers de toutes espèces laissent pendre leurs branches
chargées de fruits mûrs. Chaque fois que Tantale tend le bras pour cueillir un
fruit, les branches s’écartent de lui ; et chaque fois qu’il se penche
pour boire de l’eau, le niveau du lac s’abaisse suffisamment pour qu’il ne
puisse l’atteindre.
Cette rapide visite terminée, Proserpine revint au palais
avec Orphée, qui donna de bonne grâce le concert qu’il avait promis. Pluton
consentit alors à le laisser remonter sur terre en compagnie d’Eurydice, mais
il y mit une condition :
— Tu marcheras devant, dit-il à Orphée, et, jusqu’au
moment où vous serez sortis des enfers, tu ne te retourneras pas une seule fois
pour regarder Eurydice.
Orphée acquiesça et, suivi d’Eurydice, se mit en route. Cerbère
les laissa sortir sans même aboyer. Charon leur fit passer l’Achéron sans
réclamer d’obole. Malgré son désir ardent de revoir le visage de sa bien-aimée,
Orphée n’avait pas tourné la tête. Il ne lui restait plus qu’à gravir l’escalier
qui remontait vers la surface. Lorsqu’il mit le pied sur la dernière marche, Orphée
se retourna enfin. Mais Eurydice, elle, se trouvait alors sur l’avant-dernière
marche, qui faisait encore partie du territoire des enfers et restait sous la
juridiction de Pluton. Dès qu’Orphée eut jeté un regard sur elle, il vit son
image s’estomper et se dissoudre. Il chercha à la saisir dans ses bras, mais n’étreignit
que le vide. Désespéré, il redescendit l’escalier et voulut retourner chez
Pluton. Mais, cette fois, Charon avait reçu des consignes strictes et se montra
inflexible. Orphée remonta sur la terre et décida de se rendre chez…
Les rois grecs ne surent jamais chez qui Orphée avait décidé
de se rendre. Car, au moment où Nestor allait le leur apprendre, le
médecin-chef de l’armée grecque entra précipitamment dans la baraque où ils
étaient assemblés et demanda à parler à Agamemnon pour une affaire urgente.
— Que se passe-t-il ? lui demanda Agamemnon.
— Une épidémie de peste vient de se déclarer dans notre
camp, lui répondit le médecin.
24. La colère d’Achille
La neuvième année du siège de Troie venait de s’achever lorsque l’épidémie de peste se déclara
chez les Grecs. Conformément à la
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