Les Dieux S'amusent
cent mille
guerriers, les deux hommes, revêtus de leurs casques à longue crinière et de
leurs courtes cuirasses, prennent place aux deux extrémités du rectangle, le
javelot dans la main droite, le bouclier au bras gauche, l’épée et le poignard
à la ceinture. Ménélas est pâle de fureur et Pâris est pâle de terreur. On a
mis dans un casque deux tablettes portant le nom l’une de Ménélas, l’autre de
Pâris, et l’on procède au tirage au sort. C’est Pâris qui est désigné pour
lancer en premier son javelot. Il est habituellement très habile à cet exercice,
mais son bras tremble tant que son javelot, sans force, est arrêté facilement
par le bouclier de Ménélas. Celui-ci lance à son tour son javelot avec une
force décuplée par le désir de vengeance, mais Pâris l’évite de justesse en se
baissant. Ménélas se rue alors sur son adversaire, l’épée au poing. Il en porte
un coup violent sur le casque de Pâris, mais c’est l’épée qui se brise. Épouvanté,
Pâris cherche à s’enfuir. Ménélas le saisit par la crinière de son casque et s’apprête
à l’égorger. C’en serait fait de Pâris si sa divine protectrice, Vénus, passant
outre à l’interdiction de Jupiter, n’intervenait au dernier moment pour le
sauver : invisible, elle coupe la jugulaire du casque de Pâris, qui reste
dans la main de Ménélas, et elle entoure Pâris d’un nuage qui le dérobe un
instant aux yeux de son adversaire et lui permet de fuir vers les remparts de
Troie, à une vitesse telle qu’Achille aux pieds légers, lui-même, ne pourrait
le rattraper.
En le voyant abandonner ainsi le combat, cent mille Grecs
poussent un « Ah ! » de triomphe et cent mille Troyens un « Oh ! »
de déception, suivi toutefois d’un soupir de soulagement à la pensée que la
guerre va se terminer, conformément à l’accord passé entre Priam et Agamemnon. De
fait, Priam, qui a suivi le combat du haut des remparts, s’apprête déjà à
exécuter ses engagements en renvoyant à Ménélas sa femme et son trésor, cependant
qu’Hector, respectueux aussi de sa parole, s’apprête à jeter son épée à terre, pour
signifier la fin des combats. Mais, une fois de plus, les dieux en décident
autrement.
Minerve, dont la rancune à l’égard des Troyens est tenace, n’entend
pas les laisser s’en tirer à si bon compte. Et, puisque, malgré l’interdiction
de Jupiter, Vénus vient d’intervenir dans le conflit, elle estime avoir le
droit d’en faire autant. Elle prend l’apparence d’Hector et, ainsi déguisée, va
trouver Pandarus, le fameux archer troyen, qui venait d’assister à la défaite
de Pâris.
— Pandarus, lui dit-elle, il faut laver dans le sang l’affront
qui vient d’être fait à notre peuple et punir Ménélas de nous avoir humiliés. Toi
qui tires si bien, expédie-le dans l’autre monde, où il aura tout le loisir de
se vanter de son exploit.
Pandarus n’a garde de désobéir à la voix de celui qu’il
prend pour son chef. Il demande à deux soldats troyens de le dissimuler
derrière leurs boucliers et, mettant un genou à terre, il tire une flèche
ajustée sur Ménélas qui avait déjà ôté sa cuirasse.
La flèche vient se planter dans le flanc de Ménélas, qui s’écroule,
perdant son sang en abondance. Une clameur d’indignation s’élève dans les rangs
grecs.
— Nous sommes trahis, s’écrie Agamemnon, reprenons le
combat !
Pandarus voit alors disparaître subitement le faux Hector et
se rend compte, mais trop tard, qu’il a été trompé.
Le premier Grec à reprendre le combat est Diomède. En l’absence
d’Achille, c’est lui le plus vaillant des chefs grecs. Suivi de ses troupes, il
attaque avec fureur l’armée troyenne, à l’endroit où se trouve Pandarus qui
vient de blesser Ménélas. Pandarus lui décoche une flèche, si bien ajustée qu’elle
coupe l’une des courroies retenant la cuirasse de Diomède et blesse assez profondément
celui-ci au creux dé l’épaule. Mais il en faudrait plus pour arrêter le « sanglier
de Calydon » ; Diomède poursuit sa charge sans se soucier de la
douleur, lance sur Pandarus l’un de ses javelots et le tue tout net. L’affolement
s’empare des Troyens, qui reculent en désordre. Mars, dieu de la guerre, qui
par amour pour Vénus avait pris le parti des Troyens, décide de leur venir en
aide. Il descend sur le champ de bataille, déguisé en soldat troyen, et se
porte au-devant de
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