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Les Dieux S'amusent

Les Dieux S'amusent

Titel: Les Dieux S'amusent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Denis Lindon
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lorsqu’elle mourut brusquement d’une
morsure de serpent. Le chagrin d’Orphée fut tel qu’il ne put trouver aucune
consolation, même dans la musique. Il résolut alors de descendre aux enfers
pour réclamer la restitution de sa fiancée.
    Pour un simple mortel comme Orphée, pénétrer vivant aux
enfers était une entreprise d’une extrême difficulté. Il fallait d’abord
descendre par un gouffre profond dans les entrailles de la terre. On arrivait
alors à une large rivière, l’Achéron, affluent du Styx ; on ne pouvait le
traverser que dans une barque conduite par un vieillard farouche et barbu, qu’on
appelait le nocher Charon. Celui-ci ne prenait en principe à son bord que les
défunts, et encore à la double condition qu’ils eussent reçu les honneurs
funèbres et qu’ils portassent dans la bouche une pièce d’argent pour payer le
prix de leur traversée. Parvenu sur l’autre rive, on entrait aux enfers par une
large porte gardée par Cerbère, le chien aux trois têtes. Les défiants
passaient alors devant trois juges, appelés Minos, Eaque et Rhadamante, qui
avaient été nommés à ce poste par Pluton après avoir régné chacun, d’une
manière jugée exemplaire, sur un État important de la Grèce. Ces trois juges
faisaient un tri entre les bons et les mauvais défunts : les premiers
étaient autorisés à mener une existence fade et immatérielle, mais supportable,
dans les Champs Élysées, cependant que les seconds étaient condamnés à subir
des supplices éternels dans le Tartare. Entre les Champs Élysées et le Tartare
se trouvait le palais de Pluton et de Proserpine, les souverains du royaume des
morts.
    Bien qu’il ne remplît aucune des conditions requises pour
entrer aux enfers, Orphée réussit à passer tous les barrages, grâce à ses
talents musicaux :
    Le nocher Charon se fit payer la traversée par une sonate.
    Cerbère, charmé par la voix d’Orphée, lui lécha les pieds.
    Les trois juges, s’appuyant sur deux précédents illustres, ceux
d’Hercule et de Thésée, délivrèrent un sauf-conduit à Orphée, qui se présenta
enfin à Pluton et à Proserpine. Ceux-ci se souvenaient parfaitement du récital
qu’avait donné Orphée sur l’Olympe et lui firent le meilleur accueil.
    — Par le Styx, lui dit Pluton, je m’engage à t’accorder
toute faveur que tu me demanderas.
    — Rendez-moi Eurydice, lui répondit Orphée.
    Pluton ne put refuser. Il demanda seulement à Orphée de lui
faire l’honneur de passer quelques heures sous son toit et de lui donner un
concert privé le soir même.
    — En attendant, ajouta-t-il, Proserpine te fera faire
la visite du Tartare ; tu verras, c’est très pittoresque.

La visite du Tartare
    Ne disposant que de peu de temps, Proserpine proposa à
Orphée de se limiter aux trois principales attractions du Tartare : le
rocher de Sisyphe, le tonneau des Danaïdes et le supplice de Tantale.
    — Sisyphe, commença-t-elle en récitant le texte
officiel des guides des enfers, était un commerçant astucieux, de l’espèce que
l’on appelle les « accapareurs ». Il avait fait fortune en achetant, une
année, la totalité de la récolte de blé de son pays et en la revendant ensuite
à prix d’or. Il crut pouvoir appliquer la même méthode dans un autre domaine :
par des moyens mystérieux, il réussit à se rendre maître de deux fils de la
Nuit, Hypnos et Thanatos, le Sommeil et la Mort. Les hommes se trouvèrent dès
lors dans l’impossibilité de dormir, ce qui les gênait beaucoup, et de mourir, ce
qui les gênait moins mais ne faisait pas l’affaire de Pluton.
    » C’est sur l’intervention de Pluton que Sisyphe fut
foudroyé par Jupiter et condamné au Tartare à perpétuité. Comme tu le vois, expliqua
Proserpine à Orphée en lui montrant du doigt Sisyphe, son châtiment consiste à
rouler péniblement un lourd rocher jusqu’en haut d’une colline. Au moment où le
rocher va atteindre le sommet, il échappe des mains de Sisyphe et redescend jusqu’en
bas de la côte.
    » Ces troupes nombreuses de jeunes filles que tu
aperçois un peu plus loin sont les Danaïdes. Elles étaient cinquante sœurs, filles
du roi Danaos, et avaient épousé le même jour, contre leur gré, les cinquante
fils du roi d’Égypte. La veille de leur mariage, elles s’étaient réunies
secrètement et avaient juré de se débarrasser de leurs maris au cours de leur
nuit de noce. Quarante-neuf d’entre elles poignardèrent

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