Les dîners de Calpurnia

font l'affaire.
    - Et voilà au moins une invention romaine ! On ne pourra plus nous accuser de toujours imiter les Grecs !
    Parfois, Néron se rendait sur le chantier à l'improviste. Ces visites inopinées étaient la terreur des deux architectes qui craignaient le pire lorsqu'ils n'étaient pas présents pour répondre aux questions de l'Empereur, enregistrer ses désirs et subir ses coléres. Un jour, le chef d'une équipe d'esclaves qui lui avait signalé que ce qu'il demandait était impossible à réaliser avait été arrêté sur-le-champ. L'arrivée opportune de Sevurus, qui savait com-1 Cette technique de l'opus cúmenticium constitua un progrés considérable en maçonnerie. Elle consistait, poifr élever un mur, à insérer entre deux cloisons légéres, de brique par exemple, des matériaux de récupération, tuiles cassées, briques, déchets de pierre et de marbre, et à noyer ceux-ci dans un mortier à base de chaux et de sable Cette technique eut, dit-on, des effets aussi importants que, de nos jours, l'introduction du béton dans l'architecture.
    ~ient parler au prince, empêcha sans doute le pauvre niable d'aller passer quelques années dans les ergastules. Le plus souvent Néron était de bonne humeur et sem-Dlait satisfait de l'avancement des travaux. Rien ne lui
    'aisait plus plaisir que d'entendre Sevurus lui dire : ï Divin maître, votre úuvre va constituer le plus mer-.eilleux des thé
    ‚tres. Ce n'est pas un palais que vous construisez mais un inimitable décor. " Car chez l'Empe-
    -eur tout passait aprés le thé‚tre. quand on mit en eau le ac artificiel, il pleura de bonheur en disant qu'il se voyait déjà déclamant ses derniers vers, seul dans la nuit étoilée, a bord d'une barque d'or conduite par des vestales.
    Objet de tous ses soins, de sa fierté et de son régne qu'il voulait triomphant, la Maison Dorée n'était pas jugée avec autant d'enthousiasme par la majorité des Romains. Beaucoup d'entre eux étaient indignés par le gouffre financier qui se creusait à mesure que le projet avançait, et les autres par ces constructions et ces jardins démesurés qui prenaient la place de quartiers entiers primitivement destinés à l'habitation. Satires et épigrammes circulaient dont celui-ci, demeuré célébre, qui invitait "
    les quirites à émigrer à Véies puisque Rome tout entiére était désormais occupée par une unique demeure1 ".

    1. Rapporté par Suétone. Les quirites étaient les habitants du qui-rinal, quartier de Rome, et Véies une cité d'Etrurie.
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    Calpurnia
    Tandis que Zénodore modelait la maquette du colosse qui, sous les traits de Néron, devait symboliser le soleil, Sevurus et Celer travaillaient sans rel
    ‚che à terminer la " vo˚te dorée ", salle octogonale autour de laquelle devaient rayonner les piéces constituant les appartements impériaux. Le peintre Fabulus ébauchait dans son atelier, sur de grandes feuilles de papyrus, la composition qui devait orner la vo˚te. Celer, le mathématicien, le scientifique de l'équipe d'architectes, surveillait les ingénieurs ferronniers et serruriers qui mettaient au point un incroyable mécanisme destiné, dans l'un des salons ronds, à faire tourner nuit et jour une coupole représentant la carte magnifiée de l'Empire. Cette machinerie savante était aux yeux de tous une gageure mais l'idée de sa conception, qui appartenait à Celer, avait tellement plu à Néron qu'il n'était plus possible d'y renoncer. Le jeune architecte pensait, quant à lui, qu'il suffisait de connaître et de mettre en pratique les découvertes des savants d'Alexandrie. Dés le troisiéme siécle ‚Vant notre ére, ceux-ci n'avaient-ils pas découvert la pompe foulante, la clepsydre et cet orgue hydraulique qui faisait la joie de l'Empereur, passionné par la science autant que par l'esthétique sous toutes ses formes ?
    C'est un soir, alors qu'il venait de montrer à Sevurus les plans de son étrange manége, que Celer se confia à son maître :
    - Calpurnia m'inquiéte, dit-il. Elle devient distante. J'ai l'impression que la vie dans la famille l'ennuie, ou tout au moins ne lui suffit pas.
    N'as-tu pas remarqué ses absences, de plus en plus fréquentes ?
    - Si, mais elles s'expliquent. Nous travaillons tellement et sommes nous-mêmes si souvent hors de la maison que Calpurnia se retrouve seule la plupart du temps. Notre vie familiale n'existe plus et quand, par hasard, nous sommes là, c'est pour parler des travaux. Il