Les dîners de Calpurnia
sable.
Calpurnia et Tarlentia se joignirent à un peloton de belles qui couraient à
longues foulées autour du stade1.
On était au printemps et le soleil était déjà chaud. Les deux filles s'allongérent dans l'herbe, fatiguées par ce premier entraînement.
- Tu aimes mieux les jeux grecs qu'un discours de Démosthéne ? demanda en riant Tarlentia.
- Oui, mais je prendrais bien un bain aprés l'effort.
- Les thermes d'Agrippa sont à deux pas. Allons-y.
- Cela ne te gêne pas de te dénuder au milieu des hommes ? questionna Calpurnia2.
- Non. Cela me gênera peut-être quand mes seins pendront sur ma poitrine, mais aujourd'hui nous n'avons rien à cacher. D'autant que toi et moi sommes plutôt
1. Le sport féminin n'était certes pas trés développé dans la Rome de l'Empire, mais d'assez nombreuses fidéles s'y adonnaient. Les textes et des mosaÔques trouvées à Piazza Armerina, en Sicile, le montrent. On y voit des sportives vêtues de maillots deux piéces proches de ceux que l'on porte aujourd'hui, se faisant les muscles aux haltéres, lançant le disque et disputant une course à pied.
2. A cette époque, la plupart des thermes étaient mixtes et le nudisme presque complet, fréquent. Hadrien supprimera cette mixité.
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agréables à regarder. Alors pas de pudibonderie. Sinon, il faut aller dans des balnea}, et je n'en connais pas par ici. Les deux amies pénétrérent dans l'immense vaisseau de marbre aprés avoir payé chacune à l'entrée leur qua-drans au guichet installé sous les portiques animés par les chalands d'innombrables boutiques. Les vestiaires (apodyteria) s'offraient tout de suite et les jeunes filles s'y déshabillérent en riant. Elles ne conservérent qu'une serviette nouée autour de leurs reins et une autre posée sur les épaules, comme un fichu. Avant d'entrer dans l'un des sudatoria, salles de bains à l'air sec et surchauffé, puis dans lecaldarium, au contraire chargé de vapeur, Calpur-nia et Tarlentia regardérent un moment les hommes et les femmes, vêtus cette fois de tuniques, qui s'exerçaient dans le gymnase jouxtant les installations balnéaires, comme au stade, à tous les jeux de balle possibles, à la lutte ou au sac de sable sur lequelon s'écorchait les mains en frappant.
- Tu n'as pas envie de jouer ? demanda Tarlentia.
- Non. Je suis fourbue. Pas toi ?
- Si. Allons vite nous transformer en gargoulette et surtout plonger dans le bassin d'eau froide. Le frigida-rium va nous refaire toutes neuves !
Ce soir-là, quand Calpurnia rentra à la maison. Celer, qui d'habitude travaillait jusqu'à une heure plus avancée, était déjà là, allongé sur la banquette de l'atrium.
- Bonjour, mon grand frére, dit-elle. quelle chance de nous rencontrer !
Nous ne nous voyons plus trés souvent. La Domus Aurea vous mange la vie, à
l'oncle et à toi. Sais-tu que tu me manques !
- Ce que tu dis est vrai. Je ne porte pas de pierres et ne creuse pas la terre mais, finalement, je me demande si ma situation est plus enviable que celle des esclaves que je fais travailler. Et toi que nous délaissons".. Je tremble de te savoir seule et sans défense dans cette ville dangereuse.
1. Bains privés.
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- Dangereuse ?
- Oui. Et pas seulement parce que les sicarii, les f^ractores, les raptores rendent Rome, la nuit, moins s˚re que la forêt Gallinaria et les marais Pontins, mais à cause de la racaille de haut rang qui va essayer de mettre la -nain sur toi, te promettre la richesse, te la donner peut-être. Mais à
quel prix ! Dis-toi que ta jeunesse et ta beauté \ aient beaucoup plus que les bijoux, les robes de soie de Chine et les sandales d'or qu'on t'offrira. Garde ta pureté, Calpurnia. Résiste aux mirages et, si tu le veux, attends-moi. Je ne ménerai pas toujours cette existence démente. Un jour je pourrai me consacrer à toi ! Tu vois, je ne voulais pas te dire tout cela, c'est Sevurus qui devait te parler mais je n'ai pu me retenir...
- Mais tu as bien fait. Je vais vous rassurer tous les deux. Même si je sors un peu trop, si je vois des gens, si je m'amuse, je ne fais pas de sottises. Je veux seulement vivre ! Tu me comprends ? Néron exige que vous vous sacrifiiez, mais moi, je refuse de partager votre soumission.
- qui n'est pas soumis au prince aujourd'hui ?
Sevurus, qui s'était baigné et détendu un moment dans le petit balneum aménagé dans la maison, arriva à cet instant dans l'atrium et, sans se consulter, Calpurnia et Celer
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