Les dîners de Calpurnia

membres et des laminú qui rougissaient au feu avant d'être appliquées sur certaines parties sensibles, ils se sont décidés à
    parler et à dénoncer les principaux complices impliqués. C'est là que j'attends vos exclamations !
    - Parle, bon sang ! dit Celer.
    - Pison, chef du complot, devait succéder à Néron1.
    - Calpurnius Pison ? Son sang, celui des Calpurniens, coule dans les veines des plus illustres familles de Rome !
    - C'est pour cela qu'il avait été choisi. quant aux autres, j'ai entendu citer les noms de Sénéque, de Sene-cion et de Lateranus. Je ne sais pas ce que l'Empereur va faire de Sénéque, son vieux maître, ni de Senecion, mais Plautius Lateranus, le plus riche des sénateurs et ami 1. Selon Tacite, les militaires mêlés au complot avaient projeté, une fois Néron disparu, de tuer à son tour Pison et de le remplacer par Sénéque.
    intime de Néron a déjà payé sa félonie. A l'énoncé de son nom, Néron, d'abord incrédule, puis bien obligé d'admettre que son ami fidéle projetait de l'égorger, entra dans une froide colére avant d'ordonner qu'un détachement de prétoriens se rende immédiatement à son domicile. Il paraît que sans lui laisser le temps d'embrasser sa femme et ses enfants les gardes l'ont entraîné dans une autre piéce. Là, sans dire un mot, il s'est laissé couper le cou !
    - Y a-t-il d'autres conjurés ? demanda Calpurnia.
    - S˚rement, on les connaîtra plus tard.
    Les jours suivants, la liste s'allongea en même temps que l'enquête menée par les hommes de Tigellin progressait. On apprit d'abord que le complot avait été découvert par hasard gr‚ce à un affranchi de Sceverinus qui avait surpris plusieurs conversations de son maître et s'était rendu compte de ce qui se tramait. Sur les conseils de sa femme qui avait flairé une récompense probable, l'affranchi, un certain Michilus, était allé raconter ce qu'il savait à un officier de police. La conjuration, dés lors, ne pouvait qu'échouer.
    Parmi les noms qui étaient peu à peu livrés à la curiosité publique, il en fut un qui plongea Valerius dans la peine et la consternation. Celui de Lucain, l'écrivain le plus connu aprés Sénéque dont il était le neveu.
    - Comme moi, dit le poéte, il doit beaucoup à Néron qui l'a toujours soutenu, ce qui ne l'empêchait pas d'accabler son bienfaiteur de critiques.
    Dommage, c'était un ami plein de talent. La Pharsale, le poéme épique qui l'a rendu célébre, est un chef-d'úuvre.
    - qu'a fait Néron en apprenant que Lucain était mêlé à l'affaire ?
    - Il lui a ordonné de s'ouvrir les veines. On m'a dit que le poéte était mort en récitant ses propres vers mais qu'il avait g‚ché cette fin honorable en dénonçant sa mére avant d'expirer. Ecúuré par cette indignité, Néron a décidé de ne pas poursuivre la vieille femme. Tout de 58
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    même, qui aurait pu penser que Lucain pouvait être mêlé à cette sinistre affaire !
    - Pense à autre chose, dit Calpurnia doucement. Récite-nous quelques vers.
    Aprés, je vous jouerai l'une des derniéres musiques que j'ai apprises à mon cours. Vous verrez que j'ai fait des progrés.
    Malgré le désir de l'Empereur d'en finir au plus vite avec ce complot dont les contrecoups empoisonnaient la vie politique, les interrogatoires des suspects s'éternisaient car beaucoup d'entre eux, dans l'espoir de se sauver, dénonçaient d'autres complices. Chaque jotjr, sur le forum, de nouveaux noms étaient livrés à la curiosité malsaine de la foule. C'est ainsi que l'on apprit l'arrestation de deux sénateurs influents, Gladius Gallus et Annius Pollio, puis l'exécution sommaire du consul Ves-tinus, égorgé par les prétoriens au milieu des invités du dîner qu'il donnait dans sa maison prés du cirque de Caligula. Beaucoup se demandérent si le consul avait réellement pris part à la conjuration ou si Néron n'avait pas profité
    de l'occasion pour se débarrasser d'un ennemi encombrant.
    L'Empereur présidait la plupart des séances du tribunal restreint chargé de juger les coupables. A sa droite siégeait le préfet du prétoire Faenius Rufus et l'on découvrit avec stupéfaction, au fil des audiences, que cet officier supérieur delà cavalerie, qui jouissait de la confiance de Néron, était lui-même mêlé au complot.
    - César, dit l'un des accusés interrogés, si tu veux tout savoir, questionne donc Faenius. Il en sait beaucoup plus que moi et peut te donner les noms de tous les