Les dîners de Calpurnia
Pour rien au monde il ne se serait séparé de Tigellin. Surtout, la prudence lui commandait de ne pas le laisser seul à Rome : celui qui avait déjoué tant de complots pouvait trés bien en fomenter un pour son propre compte.
- Non, Tigellin, répondait-il, je ne te laisserai pas rentrer seul. Tu es ici ma sauvegarde, mon bouclier, ma providence alors qu'à Rome tu serais peut-être tenté de ne plus défendre les intérêts et la vie de ton Empereur.
Mais rassure-toi, nous allons bientôt retourner au pays. Je veux juste, avant de quitter la divine terre d'Apollon, mettre en train mon grand projet. Tiens, puisque Vespa-sien nous annonce qu'il a rétabli l'ordre en Judée et fait de nombreux prisonniers, qu'il nous en envoie donc huit ou 83
dix mille. Avec les deux mille dont je dispose cela fera une armée de piocheurs capable d'ouvrir la roche aux eaux bienfaisantes des dieux. Plus vite nous commencerons à creuser, plus vite nous rentrerons.
- Mais qui va diriger ce chantier ? Les grands architectes et ingénieurs ne sont plus grecs. Ils sont romains.
- Alors il faut en faire venir d'Italie. Pourquoi pas ce jeune aide de Sevurus qui a si bien travaillé à la Domus Aurea ? Sevurus est trop vieux pour entreprendre le voyage mais son second fera l'affaire. Envoie-lui tout de suite l'ordre de venir. Et dis-lui pourquoi, afin qu'il se renseigne et se munisse de tous les outils et documents nécessaires.
- Mais cela va demander du temps et retarder encore notre départ...
- Tu es pressé, Tigellin, moi j'ai tout mon temps. Ici je suis heureux, en sécurité et seuls les dieux savent ce qui m'attend à Rome.
A Rome, Celer et Calpurnia coulaient des jours heureux. Aprés le départ de Valerius, ils n'avaient rien changé à leur vie. Lui dressait les plans d'une villa pour Velleius, un opulent consulaire, elle poursuivait ses études de musique. Le vieux Sevurus avait espéré que l'éloi-gnement de Valerius favoriserait l'union des deux jeunes gens mais ses espoirs semblaient vains. La jeune fille évitait les occasions d'intimité, Celer affectait une indifférence peu naturelle et l'irritait. Ce jeu aurait pu encore durer si la convocation de l'architecte auprés de Néron, portée au Vélabre par un centurion, n'était venue bouleverser la famille.
- N'y va pas ! s'écria Calpurnia. Je refuse de te laisser partir !
Contre toute attente, elle se jeta en larmes au cou de Celer et couvrit son visage de baisers :
- Tu es donc aveugle, tu ne vois pas que je t'aime ! i Epouse-moi vite, ton mariage sera une bonne raison de I refuser l'offre de l'Empereur.
Sous le regard surpris et attendri de Sevurus, Celer la serrait contre lui et tentait de la calmer :
- Ma chérie, ce n'est pas une offre à prendre ou à laisser, c'est un ordre et Néron se moque bien que je t'épouse. C'est pourtant ce que je vais faire, avec, je l'espére, l'accord de notre bon oncle. Aprés, si je suis obligé de partir, je partirai. Et je reviendrai vite, mon amour !
Sevurus pleurait et riait en même temps :
- Enfin, vous vous décidez ! Il aura fallu cette lubie de Néron pour que vous vous rendiez compte que vous perdiez un temps précieux, celui du bonheur ! Et moi qui suis si vieux, comme vous m'avez fait languir ! Dés demain je vais m'occuper des formalités de votre mariage, mes enfants.
- Oh, surtout pas de cérémonial ! protesta Calpurnia. Plus ce sera simple, plus je serai contente.
- Et les fiançailles ? demanda Celer. Même courtes, je tiens aux fiançailles ! Veux-tu me pardonner ? Je m'absente un instant.
Il quitta l'atrium et se rendit dans sa chambre d'o˘ il revint bientôt, souriant.
- Donne-moi ta main gauche et ferme les yeux, dit-il à Calpurnia.
Il lui passa à l'annulaire l'anneau d'or qu'il sortit de la poche cachée de sa tunique et dit : " Maintenant nous sommes fiancés ! "
- Mais d'o˘ sort cette bague ? s'enquit-elle, attendrie. Rien ne laissait présager notre décision.
- Je l'ai achetée il y a prés de deux ans, le jour o˘ j'ai compris que je t'aimais. J'ai cru bien souvent que je ne la verrais jamais à ton doigt !
quant au mariage, je te demande, cher Sevurus, qu'il soit célébré le plus tôt et le plus simplement possible. C'est aussi le vúu de Calpurnia.
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- Il faut tout de même prévenir l'auspex^ et choisir les dix témoins qui apposeront leur cachet sur le contrat. Et nous serons bien obligés d'inviter tout ce monde à un festin.
- Alors, si nous ne pouvons échapper
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