Les dîners de Calpurnia
chaudronniers, les mendiants et les charmeurs de vipéres avant de franchir l'arc des Changeurs et d'arriver, enfin, à la maison du Vélabre.
Calpurnia était absente mais Sevurus écrivait sur un grand papyrus les souvenirs qu'il voulait laisser à ceux qu'il chérissait encore plus depuis qu'ils avaient décidé de se marier.
- que se passe-t-il, Celer ? Tu as l'air bien joyeux. Est-ce la perspective de nous quitter qui te donne le sourire ?
- Non, c'est la perspective de rester avec vous ! Selon l'homme de confiance d'Helius, qui m'a reçu, personne n'est pressé de me voir partir.
Je suis invité à attendre les ordres, et si Néron rentre bientôt à Rome, comme cela semble prévu, je ne partirai pas du tout. Il paraît que le percement du canal de Corinthe'est un désastre, une entreprise irréaliste qui n'a aucune chance de réussir.
- Voilà en effet une bonne nouvelle. L'ennui, c'est que Néron t'a demandé
et tu sais qu'il déteste ne pas être obéi ! Il y a toujours un risque à
oublier cette vérité.
- Mais, Sevurus, je ne peux pas partir sans l'ordre du 88
palais. II ne me reste qu'à attendre comme on me l'a signifié.
- Tu as raison, mais j'en appelle aux dieux : qu'il est difficile de travailler pour César !
Sevurus avait toujours agi comme si son statut d'artiste libre et fortuné
lui permettait de se soustraire à certains usages vieux comme le Latium, comme celui de la " clientéle ", qui liait chacun des Romains, du parasite au seigneur, à quelqu'un de plus puissant que lui et envers qui il se faisait un devoir de remplir des obligations de respect. La coutume exigeait qu'il lui rende réguliérement visite et qu'il obtienne en récompense des gratifications variées, à charge pour le maître honoré de rendre hommage à son tour à un supérieur. Débarrassé de ces politesses coutumiéres, Sevurus put en toute quiétude organiser les noces de Calpurnia sans risquer de voir sa maison envahie. Pourtant, même en éliminant les importuns, il y eut beaucoup d'amis, des vrais, qui tinrent à venir féliciter et acclamer les mariés aprés avoir assisté au sacrifice d'un agneau, rituel sanglant dont la famille se serait bien passée.
Au cours du repas de fête, il fut beaucoup question de Néron et des sombres nuages qui pesaient sur l'Empire. Le sénateur Verus, vieil ami de Sevurus qui avait construit sa maison de l'Aventin, était venu apposer son sceau sur le contrat de mariage. Interrogé, il donna des nouvelles alarmantes des provinces. Une insurrection armée venait de prendre naissance dans les garnisons des Gaules. Caius Julius Vindex, le " légat de la Lyonnaise ", était entré en dissidence avec ses quatre légions. Il supportait mal que Néron, poussé par sa passion pour l'Orient, néglige‚t l'Occident. D'origine gauloise, le légat, s'il ne reniait pas l'autorité de Rome, voulait que sa patrie soit reconnue libre au même titre que la Gréce.
- Tout cela finira mal ! dit le sénateur. Tenez, voici la derniére proclamation de Vindex.
Il tira une feuille de sa poche et lut :
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- " Nous avons le droit de nous révolter parce que Néron a ruiné le monde romain, parce qu'il a mis à mort le meilleur du Sénat, parce qu'il a tué sa mére, parce qu'il ne sauvegarde même plus la dignité de la souveraineté ! "
- Il veut à l'évidence éliminer Néron mais est-il candidat à la succession ? demanda Sevurus.
- Non. Il ne dispose d'aucun appui à Rome. Mais il peut aider un autre candidat à l'Empire qui prendrait l'engagement d'octroyer l'indépendance à
la Gaule. Galba, le gouverneur de l'Espagne, par exemple.
- Et Néron ne revient toujours pas ? questionna Celer, naturellement impatient de voir l'Empereur quitter son rocher de Corinthe.
- Hélas non ! Il a eu un moment l'intention de poursuivre son voyage jusqu'en Egypte mais a finalement décidé de s'arrêter longuement à Naples lorsqu'il quittera la Gréce. Il paraît que c'est à Pompéi que sa voix a le plus de succés... Sera-t-il encore César quand il retrouvera ses sens ?
Le dernier invité parti, Sevurus retiré dans sa chambre, Calpurnia et Celer se retrouvérent seuls dans l'atrium o˘ la fête avait laissé du désordre : reliefs de nourriture sur les tables, amphores vides, coupes o˘ restaient des fonds de vin, et même le morceau de la torche nuptiale, faite d'aubépines entrelacées et qui n'avait pas br˚lé entiérement quand Martial, lepronubus1, l'avait brandie devant les mariés
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