Les dîners de Calpurnia
il aurait été exclu. Rien, à part la reconstruction du Capitole en voie d'achévement, n'indiquait une quelconque volonté architecturale de l'Empereur.
Vespasien, il est vrai, avait d'autres chats à fouetter que de penser aux pierres qu'il laisserait derriére lui. Il avait bien une idée mais attendait que les finances de l'Etat, malmenées par quatre empereurs négligents et une guerre civile, retrouvassent la santé qui caractérise les grandes nations. Chose curieuse, lui qui détestait les jeux du cirque et les combats de gladiateurs s'était mis dans la tête d'offrir aux Romains le grand amphithé‚tre qui manquait à la ville. Celui de Statilius Taurus, au Champ de Mars, datait d'Auguste. Aprés avoir souffert de l'incendie de 64, il n'était plus que ruines. Le nouvel empereur savait qu'il ne pouvait causer plus grand plaisir à ses sujets, de toutes conditions, qu'en leur permettant d'assister aux jeux cruels qu'ils affectionnaient dans un cadre prestigieux digne de la grandeur romaine. Mais un autre projet lui tenait à
cúur : b‚tir un ensemble monumental destiné à commémorer le rétablissement de la paix. Aprés avoir hésité longuement, c'est à ce dernier ouvrage qu'il donna la préférence, reportant à plus tard la construction de l'amphithé
‚tre.
Les architectes capables d'entreprendre de tels travaux n'étaient pas nombreux à Rome. Vestinus, qui avait été chargé de restaurer le Capitole, pouvait difficilement assumer une t‚che aussi lourde. C'est ce probléme qu'essayaient de résoudre ce soir-là Vespasien et son fils Titus sous les ombrages des Jardins de Salluste :
- Nous n'allons tout de même pas, pour glorifier 137
Rome, aller chercher des artistes en Gréce ou en Orient ! dit Vespasien, courroucé.
- Non, mais il en existe de trés bons dans les provinces, en Gaule surtout.
Et en Espagne, assura Titus.
- Eh bien, fais-les venir !
- Je pense à quelqu'un qui pourrait nous informer. Je sais que tu ne tiens pas à t'entourer des anciens protégés d" Néron mais nous pourrions consulter utilement Celer qui a construit avec le grand Sevurus la Maison Dorée. L'oncle est mort mais le neveu est jeune et a du talent.
- La Maison Dorée est-elle une référence ? ironisa l'Empereur.
- Néron est l'instigateur de cette folie et ses deux architectes n'ont fait qu'obéir à ses ordres. En montrant toutefois beaucoup de go˚t et en réussissant des miracles d'architecture.
- Vois donc ce Celer et tiens-moi au courant. Aprés tout, il n'a fait qu'exercer son métier. Nous ne pouvons tout de même pas lui reprocher les démesures de Néron !
C'est ainsi que Celer fut convoqué au Palatin o˘ Titus secondait son pére dans l'administration de l'Empire. En fait, il partageait avec lui le pouvoir, dictait ses lettres, était censeur en même temps que lui, rédigeait ses édits et préparait ses discours au Sénat. Pensant non sans raison que la plupart des empereurs avaient été trahis par les préfets du prétoire qu'ils avaient nommés, il remplissait lui-même la charge confiée traditionnellement à un chevalier romain. C'est donc l'homme le plus puissant de l'Empire, aprés César, que découvrit un matin Celer dans l'atrium de marbre o˘ il avait si souvent reçu sans broncher, avec Sevurus, les ordres excentriques de Néron.
Celer s'était renseigné auprés de Martial sur ce prince dont on ne savait pas grand-chose à Rome, sinon qu'il avait vaincu la résistance juive et pris Jérusalem avant de retrouver son pére à la tête de l'Etat. Martial lui avait rappelé les origines modestes des Vespasiens.
- Tu verras, avait ajouté Martial, il est beau, un peu petit, fort physiquement. C'est un soldat mais un soldat
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qui peut improviser en grec comme en latin, en prose comme en vers sur de multiples sujets. Bref, tu devrais t'entendre avec lui.
Le poéte lui avait dit aussi qu'il avait été marié deux fois, la seconde avec Marcia Furnilla, d'une illustre famille, dont il s'était séparé aprés la naissance d'une fille. Enfin, Titus avait été follement amoureux de Béré-nice, une princesse juive de vingt ans plus ‚gée que lui, qu'il avait ramenée à Rome mais que, désespéré, il avait d˚ renoncer à épouser devant l'opinion hostile des Romains.
C'est en effet un prince affable, courtois, qui accueillit Celer :
- J'ai insisté auprés de l'Empereur pour te recevoir, dit-il. Nous avons en effet des projets architecturaux et je pense que ton avis
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