Les dîners de Calpurnia
peut nous être utile. Ton maître, le brillant Sevurus, laisse une úuvre à laquelle tu as participé. Les critiques n'ont pas fini de pleuvoir sur cette fastueuse et inutile Maison Dorée. Moi je pense qu'il a fallu aux architectes beaucoup de talent pour satisfaire aux caprices de Néron en évitant de les traduire par une monstruosité. Bref, veux-tu t'intéresser aux travaux préliminaires d'un temple qui sera la construction majeure du forum de la Paix que mon pére entend dédier à la résurrection de Rome ?
Celer jubilait. Enfin l'Etat faisait appel à son talent. Sa réponse ne pouvait être évidemment que positive mais, dans la foule de pensées qui traversaient son cerveau, il ne parvenait pas à éliminer le doute : était-il capable d'entreprendre seul une telle t‚che ?
- Alors ? dit Titus que le silence de Celer étonnait.
- Comment pourrais-je refuser un tel honneur ? finit par articuler Celer.
Je pensais à mon maître qui ne sera pas à mes côtés, mais je crois sincérement être capable d'assumer la t‚che que ton glorieux pére me confiera.
- Rassure-toi, il n'est pas question de te laisser seul, et la premiére mission que je te confie est de rechercher les meilleurs artistes qui úuvrent dans l'Empire, y compris
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les provinces. Julius Rufus qui a construit l'amphithé‚tre de Lyon est sans doute mort mais il a peut-être formé des éléves comme Sevurus t'a formé. Ce n'est pas tout ! La construction du forum sera suivie de celle d'un grand amphithé‚tre. Tu peux aussi y penser. Seulement, pour le b‚tir en bonnes pierres, il faudra démolir une partie de la Maison Dorée !
Titus avait souri en prononçant sa derniére phrase. Il guettait le regard de Celer pour voir sa réaction. Celle-ci fut immédiate, c'est presque gaiement qu'il répondit :
- Sevurus et moi avons toujours pensé que le successeur de Néron ferait détruire sa statue et rendrait le reste du terrain aux Romains. Ses trois successeurs directs n'ont pas eu le temps de le faire...
- Ils avaient surtout le désir de ménager les classes pauvres qui admiraient encore Néron. Vespasien, lui, veut que les derniéres traces du dernier empereur de la dynastie julio-claudienne disparaissent.
- Alors, on abat le colosse ? demanda Celer.
- Non. L'Empereur veut le conserver en changeant seulement la tête pour en faire la statue du Soleil. La piéce d'eau, elle, doit disparaître ainsi que les villas voisines. C'est là que sera b‚ti le nouvel amphithé‚tre. Pense à
tout cela, un rude travail t'attend.
- C'est moi qui attendais que César veuille bien me le confier. Pour la statue, dois-je prévenir Zénodore ? Je ne sais s'il montera un échafaudage ou s'il voudra la descendre de son piédestal. On a eu tellement de mal à la mettre en place !
- Enjoins-lui de venir me voir. Vespasien a des idées sur son soleil.
Celer revint tout heureux au Vélabre. Calpurnia et Martial le guettaient :
- Alors, tu as vu Titus ? questionna-t-elle. Est-il aussi beau qu'on le dit ?
- Il n'est pas mal. Il est surtout d'un commerce agréable. Je ne connais pas encore par le détail les désirs de son
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pére mais les choses se passent mieux qu'avec Néron. Le bon sens remplace la folie.
Celer dut raconter par le menu son entrevue, ce qu'il fit de bon cúur car l'idée de travailler à nouveau sur un grand projet lui rendait la joie de vivre.
- Tu as de la chance, dit Martial. On dit que Vespasien veut favoriser les écrivains mais il ne s'est pas encore manifesté et nous restons stupides face aux libraires qui en profitent pour nous exploiter. Pline, qui est à
Rome actuellement, nous dit de patienter et nous conseille de ne pas cesser d'écrire... Comme si cela était imaginable ! Nous en sommes réduits à
visiter dés le matin quelque patron généreux amateur d'épigrammes... Pline, lui, n'a aucun souci à se faire. Il vit largement de sa situation administrative et sa fortune est évaluée paraît-il à vingt millions de sesterces. Il s'est lancé dans une úuvre immense qu'il appelle son Histoire naturelle. En fait, il s'agit d'un panorama complet de toutes les connaissances humaines.
- N'oublie pas que tu dois nous l'amener un jour au Vélabre, dit Calpurnia.
Ce n'est pas que votre entourage intellectuel soit lassant mais j'ai envie de voir des têtes nouvelles. Les amis de Sevurus venaient autrefois nombreux et mettaient de la vie dans la maison. Hélas, on ne les voit plus guére !
- Ne t'inquiéte
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