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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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réputation d'homme vertueux à partir de rien.
    C'est, le texte l'implique, à titre de compensation pour
les pertes entrainées par le voyage à travers le monde que Dieu promet de
grandes récompenses à Abram : son nom sera grand, il sera béni
(« bénédiction », comme le souligne Rachi, étant un mot qui suggère
aussi les biens matériels), sa progéniture sera aussi innombrable que la
poussière ou les étoiles. Il aura, en temps voulu, des fils à lui : tout
d'abord Ismaël, avec l'esclave égyptienne Hagar; et
puis Isaac, avec sa femme légitime, Sarah. (Encore de
la politique.) Même son nom grandira d'une syllabe : vers le milieu de parashat Lech Lecha , Dieu déclare que le nom
d'Abram sera désormais « Abraham ».
    Peut-être parce que j'ai fait des études classiques, je
lis cette parashah, récit d'un homme qui se lance dans un grand voyage à
travers des pays étranges, remplis d'amis inattendus et d'ennemis terribles,
des pays à la fois hautement civilisés et violemment primitifs, d'un homme qui
bénéficie de la protection spéciale d'un dieu qui le guide sans jamais,
toutefois, lui rendre les choses trop faciles, un récit, au bout du compte, de
la lutte désespérée d'un homme qui veut rentrer chez lui — en lisant cela, je
pense moins aux Hébreux et plus aux Grecs. Je pense à l’Odyssée d'Homère. Dans
ce poème épique, le héros endure aussi des aventures effroyables et fait des
voyages troublants pour pouvoir rentrer chez lui, et lui aussi est récompensé
de ses épreuves par les dieux : à la fin du poème, il a acquis des biens
matériels, du pouvoir, retrouvé sa famille. Ce qui me surprend, c'est que,
comparé à son homologue grec, le patriarche biblique – en fait, Lech Lecha même -semble bizarrement peu
intéressé par les pays qu'il traverse, bizarrement peu curieux des cultures
qu'il rencontre (et, naturellement, qu'il finit par déplacer) ; il me vient à
l'esprit que la différence entre Abraham et Ulysse, c'est la différence entre
une émigration dangereuse et terrifiante et un retour vers le foyer qu'on
connaît déjà. Quelles qu'en soient les raisons, en tout cas, l’Odyssée souligne
quelque chose que Lech Lecha traite avec
indifférence : il y a une autre récompense, plus grande encore, obtenue dans le
fait de voyager à travers le monde et d'observer de nouveaux pays, de nouvelles
cultures, de nouvelles civilisations, d'entrer en contact pour la première fois
avec différentes sortes de peuples et de coutumes : la connaissance. La
connaissance, par conséquent, est une autre bénédiction qui augmente avec les
distances que vous franchissez.
    Ou parfois non. Quiconque a beaucoup voyagé sait que,
même si vous croyez savoir ce que vous cherchez et où vous allez quand vous
décidez de partir, ce que vous apprenez en route est souvent tout à fait
surprenant.
     
    1

La Terre promise (été)
     

     
    C'EST LA FAUTEde
mon grand-père si j'ai toujours évité d'aller en Israël.
    Ce n'est pas qu'il n'ait pas aimé Israël. Il aimait Israël
et il racontait de nombreuses histoires à son sujet. Il y avait, pour
commencer, l'histoire, devenue presque un mythe à présent, du voyage de son
frère en Palestine dans les années 1930. «Juste à temps ! »
disions-nous en chœur, lorsque mon grand-père nous racontait l'émigration
fabuleuse et presciente de son frère plus âgé, à peine cinq ans avant que le
monde se referme, sans nous rendre compte, au moment où nous le disions, qu'en
réagissant de cette façon à l'histoire du frère dont mon grand-père était prêt
à parler (celui dont le nom hébraïque était Yitzhak, ou Itzhak, que nous
prononcions avec l'accent yiddish : ITZ-ik) , nous faisions
allusion, ne serait-ce que tacitement, au destin du frère dont il ne parlait
pas. Mon grand-père m'expliquait comment, sous la pression de Tante Miriam, la
sioniste fervente, son frère Itzhak avait lui aussi échappé au champ magnétique
de Bolechow, à l'attraction du passé, à l'attraction exercée par tant de
siècles d'histoires et de liens familiaux, et s'était fait une vie pour lui et
ses jeunes enfants, les cousins de ma mère, qui allaient prendre en grandissant
un nouveau nom israélien, avec pour résultat que le seul Jäger de la génération
de mon grand-père qui avait des fils s'était retrouvé avec des enfants et des
petits-enfants qui ne portaient pas le nom de Jäger. En effet, plusieurs des
nombreux descendants d'Oncle Itzhak,

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