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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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comme j'ai pu le constater quand je suis
finalement allé en Israël, ne savaient pas que leur nom de famille était
autrefois Jäger.
    Oncle Itzhak et Tante Miriam étaient donc partis pour
Israël. Ils s'y étaient installés, nous le savions, juste à temps pour éviter
la conflagration qui avait détruit tous les autres. Ils y avaient eu des
enfants et, par la suite, d'innombrables petits-enfants aux noms bizarres qui
sonnaient, pour nous les cousins américains, comme les noms de personnages de
films de science-fiction, quelque chose d'à la fois guttural, bref et
curieusement chantant : Rami, Nomi, Gil, Gal, Tzakhi et Re'ut. Et là, en Israël,
ils avaient fait le genre de choses qui me paraissaient, à moi qui avais été
élevé dans un contexte familial différent, à la fois exotiques et peu
attrayantes : vécu en communauté dans des maisons tristes, travaillé dans les
champs, cueilli des oranges, combattu dans des guerres sans fin, se mariant
tous très jeunes et se multipliant. Tous les six mois environ, quand j'étais
enfant, nous recevions un de ces minces aérogrammes, presque transparents, de
Tante Miriam dans lequel (en infraction à la réglementation des Postes
– mais c'était une socialiste ardente) elle avait glissé des tirages
Kodacolor étincelants du mariage d'un tel ou de tel autre, et ce qui m'avait
frappé à l'époque, c'était le fait que ces Israéliens ne semblaient jamais
porter de cravate ou même de veste à l'occasion des événements familiaux
importants. Un détail, me direz-vous, mais qui, dans mon esprit, semblait
confirmer obscurément le fait que ces gens, au bout du compte, n'étaient pas
vraiment des Jäger. Pour moi, lorsque j'étais enfant, il me paraissait évident
qu'être un Jäger, comme être juif, avait beaucoup à voir avec des
caractéristiques que j'associais à mon grand-père : une élégance vestimentaire,
une formalité (ce qui signifie, en termes religieux, une orthodoxie stricte,
et, en termes séculiers, pourrait se traduire par le fait qu'on ne voyage
jamais qu'en veste et cravate), une sévérité dans l'attitude, des choses qui
avaient à voir avec l'Europe, de toute évidence, et pour autant que je pouvais
en juger, rien à voir avec un endroit au beau milieu du désert.
    Quoi qu'il en soit, mon grand-père aimait profondément
Israël, avait aimé Israël depuis le tout début. Il prenait plaisir – et
plus tard, après sa mort, ma mère aussi – à raconter l'histoire de la
façon dont, pendant le vote des Nations unies sur la création de l'Etat
d'Israël en 1947, il était resté assis sur le rebord de la fenêtre de son
appartement dans le Bronx, écoutant avec anxiété la retransmission
radiophonique du vote, et comment à chaque oui ou non des Etats membres, il
notait soigneusement sur une feuille de papier le décompte exact des voix. Et
puis, une fois le vote terminé, comment il s'était exclamé, combien ils avaient
pleuré !
    Avant que ce nouveau pays ait même fêté sa première
décennie, avait eu lieu le voyage légendaire sur le grand paquebot qui,
contrastant en tout point avec la première traversée de l'Atlantique de mon
grand-père, ce voyage terrifiant, difficile et étrange, les avait emmenés dans
le plus grand luxe, ma grand-mère et lui, à travers l'océan, non plus vers
l'Europe, mais vers l'endroit bien plus ancien qui était à présent nouveau. En
février 1956, mon grand-père, ayant pris une retraite anticipée après avoir
vendu l'affaire qu'il avait reprise aux Mittelmark et transformée en une
entreprise qui portait son nom, jaeger, avait
emmené ma grand-mère à bord du SS United States, le paquebot qui devait
les conduire chez Itzhak et Miriam. Le navire était renommé, par-dessus tout,
pour sa rapidité, ce qui me surprend à peine : comment en effet mon grand-père,
qui avait vu son frère pour la dernière fois trente-cinq ans plus tôt,
aurait-il pu attendre ne serait-ce qu'un jour supplémentaire pour le revoir ?
    Tout comme il y avait des histoires concernant la luxueuse traversée,
les menus et la liste des passagers, que mon grand - père, puisma
mère, avaient soigneusement conservés dans des pochettes en plastique, de telle
sorte qu'ils paraissaient presque neufs lorsque , vingt ans après ce
voyage, je les ai regardés – tout comme il y avaitdes histoires
concernant la traversée, l'élégance raffinée du paquebot ultramoderne,
l'opulence et la variété de la nourriture strictement

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