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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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avec l'appareil photo. Il faisait un
froid de canard, l'atmosphère était humide et le ciel gris ; de temps à autre,
le soleil semblait vouloir percer la fine couche de nuages à l'allure lasse,
renonçant au bout de quelques minutes. Au bout d'une vingtaine de minutes de
pose et de prise de vues, nous nous sommes précipités dans un café, à deux pas
de la petite place. Il était agréablement sombre et bien chauffé, un feu
flambait dans une cheminée. Nous avons tous commandé des cappuccinos.
    Marek avait voulu parler de son père, la veille, et c'est ce
qu'il faisait à présent. Mon père était originaire de l'autre côté de Bolechow,
a-t-il expliqué, le côté pauvre. Il n'est allé à l'école que jusqu'en
troisième. Il a dû commencer à travailler très jeune.
    Avant de partir pour la Suède, j'avais consulté une fois
encore l'Annuaire professionnel de Galicie de 1891 sur le site www.jewish- gen.org .
A efraim freilich, j'avais lu : hadern– und knocheshandler. Chiffonnier.
En effet : l'autre côté de Bolechow.
    Avec un air affable sur son large visage, Marek a continué à
parler de son père, qui était mort bien avant que je commence à rêver de
découvrir ce qui était arrivé à Oncle Shmiel. Marek a dit, Il était... il était
très spécial. Très, très spécial. Il a aidé beaucoup de Juifs après la guerre.
Tous les Juifs le connaissent ici ! Il a donné de l'argent à beaucoup de
gens. C'était étonnant : lorsqu'il est mort – et il n'est venu ici, en
Suède, qu'un temps très bref, parce que je l'avais amené à l'hôpital depuis la
Pologne –, lorsqu'il est mort, il y avait cent personnes ici.
    J'ai compris qu'il voulait dire aux funérailles.
    Il a dit, C'était étonnant.
    Depuis le comptoir du café nous est parvenu le bruit du lait
qu'on ébouillantait. Klara et Ewa parlaient tout doucement, et Ewa a fini par
se tourner vers Matt et moi pour expliquer qu'elles discutaient d'un reportage
sur la montée récente des sentiments d'hostilité vis-à-vis d'Israël en Suède.
Elle a raconté qu'une librairie qui vendait des pamphlets, des journaux et des
livres ouvertement antisémites venait d'ouvrir près d'une église où avaient été
hébergés, pendant la guerre, des réfugiés juifs.
    Klara secouait la tête et elle a dit, Skandal !
    La mention des journaux m'a fait penser à une question
concernant la vie quotidienne que j'avais voulu poser à Klara. Les journaux, à
Bolechow, étaient-ils pour la plupart en polonais ?
    Pour la plupart, a-t-elle répondu. Ses parents parlaient
yiddish et polonais à la maison. Et un peu l'ukrainien aussi.
    Ukrainien m'a fait penser à une autre question :
lorsque les Juifs avaient des domestiques, est-ce que les bonnes étaient
habituellement ukrainiennes ? La bonne les a dénoncés, avais-je entendu
dire, il y a des siècles, avant que je sache quoi que ce fût.
    Oui, a dit Klara, des Ukrainiennes.
    J'ai soudain pensé à mon grand-père provoquant la corpulente
femme de ménage de ma mère, Mme Wilk, avec ses plaisanteries cochonnes en
polonais, ce qui m'a fait penser à autre chose encore. Y avait-il une sorte de
castel près de Bolechow, ai-je demandé, qui aurait appartenu autrefois à un
comte polonais ?
    Non, a-t-elle répondu, elle ne se souvenait pas d'un tel
endroit.
    J'entendais la voix de mon grand-père dire, Ils se
cachaient dans un kessle.
    Puis : Avait-elle entendu parler du Graf Potocki ?
    Oui ! a dit Klara. Mais il n'était pas de
Bolechow !
    J'ai souri et j'ai raconté l'histoire que j'avais entendue à
Vilna à propos du Potocki qui avait été condamné au bûcher par l'Église après
qu'il se fut converti au judaïsme.
    A Bolechow, a dit Klara sur un ton solennel, un Juif qui se
convertissait au christianisme était exclu de la communauté !
    Elle s'est tournée vers Ewa et a raconté une histoire un peu
longue. Ewa écoutait en hochant la tête et elle a enfin dit, Il y avait une
famille qu'elle connaissait, une famille juive qui vivait soit à Gerynia, soit
ailleurs, pas dans une ville, mais dans un village. Dans cette famille, il y
avait deux fils. Un des deux est tombé amoureux d'une fille ukrainienne et la
mère de ce garçon a voulu — bien évidemment ! – qu'il quitte cette
fille, et donc la famille a déménagé à Bolechow. Mais l'amour a triomphé de
tout ! Il est resté et s'est converti dans l'Église orthodoxe ukrainienne.
Et il a été chassé de sa famille et de la communauté – la

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